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248 LE PAGE DU BAItON DES ADRETS. subtile, les nouvelles de la cité ou de Paris, la science, la littérature, les vers étaient les sujets habituels d'une conversation qui, pour toucher à de hautes questions, n'en était ni moins intéressante, ni moins gaie. Guil- laume Roville causait de son art et se fâchait en souriant quand on divulguait ses nombreuses charités; Salomon Bernard offrait des épreuves des admirables dessins qu'il gravait sur cuivre ou sur bois; François Saia, capitaine d3 la ville, homme habile qui avait su se maintenir dans sa position sous les catholiques et les protestants, vantait à Benoît Troncy les beaux volumes, les rares éditions dont il venait d'enrichir sa bibliothèque, tandis que le grivois notaire se préparait à lire dans un coin à quel- ques soudarts, les renversants récits qui ont sauvé sa réputation de l'oubli. Puis, le baron imposait silence et Clémence de Bour- ges, Pernette du Guillet ou Louise Labbé, la belle Cor- dière, élevant la voix, lisait Le débat de Folie et d'Amour, ou quelque sonnet fraîchement éclos, ou une épître amoureuse, ou quelque ode pindaresque chaudement ap- plaudie par ces hommes que l'histoire a peints comme de grands bataillards, de rudes combattants, mais qui n'en avaient pas moins une passion, passion éteinte de nos jours, la passion des beaux vers, des jeux d'esprit et des joutes de l'intelligence. Ecrire, autrefois, était une no- ble profession, un honneur et dans les cours des princes, comme dans les châteaux des grands, on offrait une large hospitalité au poète que la fortune avait délaissé et, tandis qu'aujourd'hui l'artiste ou l'écrivain reçoit sa pension annuelle d'un marchand de tableaux ou d'un libraire éditeur, jadis c'étaient les rois qui tenaient la