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152 LA RÉCLAME, LE FUFF ET L'ANNONCE. il s'en donne à cœur joie, il brutalise moins sa renommée et ses lecteurs; avant de se constituer lui-même illustre, il étale ses titres à l'admiration du siècle, il se donne le temps de le convaincre de son incontestable supériorité, il lui prouve son esprit, lui certifie son génie avec pièces à l'ap- pui, et se met noblement en frais pour conquérir l'estime et les suffrages du public. En un mot il achète la renommée comme sous l'ancien régime on achetait un régiment, et parmi les écrivains ri- ches , il n'y a plus que des cuistres qui refusent à la jouis- sance de s'empiéter eux-mêmes une célébrité convenable , digne, sinon de la médiocrité de leur mérite, du moins de la splendeur de leur fortune. Disons vite cependant, que ceci n'a lieu qu'à Paris ; les provinciaux ne sont pas arrivés à ce degré d'effronterie cy- nique ; ils sont dupes de succès obtenus ainsi, mais ils en sont encore innocents. Veut-on un exemple de ces louanges concentrées que s'accorde l'auteur économe dans laréclame avant la lettre*! lisez : « Il y a lontemps qu'il n'a paru un livre plus remarqua- « ble que le roman du Chaos de M. de D . . . Jamais l'illus- « tre auteur n'était monté si haut, rien n'égale la supério- « rite de ce moraliste, si cen'est l'empressement du public « à se procurer ses œuvres. La première édition de ce dé- « licieux roman a été enlevée en un jour. » On le voit, il est impossible de faire brûler plus d'encens dans un si petit réchaud. Je pourrais multiplier mes citations , mais la forme seule varierait, le fond serait toujours l'apogée dé l'é- loge, dans tous les tons, sous toutes les faces, et de toutes les couleurs. La réclame-annonce trône et s'étale à la quatrième page des grands ou petits journaux ; tantôt naïve, tantôt falla- cieuse, illustrée ici d'une gravure, précédée là de grands mots à effet propres à subjuguer l'attention du lecteur le