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420           LE PAGE BU BARON BES ADRETS.

    Dans la vaste salle où reposait le baron sur un lit aux
rideaux de soie, Marianne, Berlhe et Philomène devi-
saient à voix basse, heureuses de ce réveil de si bon au-
gure, de celle convalescence qui annonçait un si prompt
rétablissement. Soulagées du sou;i cuisant qui les étei-
gnait depuis si longiemps, elles se livraient à une joie
naïve et gracieuse, causaient des événements du jour et
s'entretenaient avec curiosité de celte société naguère si
brillante etsi lettrée que la guerre civile avait dispersée
ou dont les lieux de téunion étaient fermés.
    La guerre avait fait taire les poètes, rendu muets les
oraleiirs. Excepté les prédicants, excepté les pasteurs
dont la voix retentissait dans l'iiglise de Saint-Nizier,
 chez les Cordeliers, chez les Jacobins, il n'y avait plus
 de ces hommes qui attirent et suspendent la foule;
 les antiquaires ne faisaient plus de recherches, l'Acadé-
 mie angilique ne réunissait plus les hommes et les fem-
 mes illustres de Lyon, Louise I.abbé ne faisait pliu de
 vers et la perle des demoiselles lyonnaises, la belle
 Clémence de Bourges, vivait triste et retirée, pleurant
 le départ de son fiancé qui guerroyait dans les armées
  catholiques contre les protestants du midi.
     Au moment où les trois jeunes filles causaient, sous
  les yeux du baron, de l'espoir de voir bientôt renaître
  le mouvement littéraire à la suite du commerce que favo-
  risait le repos et la tranquillité,. Blancon entra. Sa main
  tenait un papier et sa lèvre qui souriait semblait annon-
  cer une heureuse nouvelle.
     — Quoi de bon ? s'écrièrent en même temps les trois
  jeunes gardiennes en accourant vers lui.
     — Un papier gentil, répondit le jeune commandant.
     — Pour nous? dit la brune Philomène.
     — Pour vous ; pour vous trois, pour nous tous ; mais
   moi; le messager, qu'aurai-je?
     — Une belle révérence, beau seigneur.
     — C'est beaucoup, fih bien ! la plus ravissante des
   dames lyonnaises, à qui vous disputez le prix de la