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102 CINQ-MARS ET DE THOU. lequel échaffaut on dressa une petite eschelle de huit eschelons, du costé des Dames de Saint-Pierre. Toutes les maisons de cette place, toutes les fenestres, murailles, toits, eschafauds dressés, et généralement toutes les émi- nences qui ont vue sur cette place, quoyque fort éloignées, estoient chargées de personnes de toutes conditions, ège et sexe. Environ les cinq heures du soir, les officiers prièrent le compagnon du Père Malavalette de le vouloir avertir qu'il estoit temps de partir. « M. de Cinq-Mars voyant, ce Frère, qui parloit à l'oreille de son confesseur, jugea bien ce qu'il vouloit : — « On nous presse, dit-il, il s'en faut aller. » —Pour- tant un des officiers l'entretint encore quelque temps dans cette chambre, d'où (Cinq-Mars) sortant, le valet de chambre qui l'avoit servy depuis Montpellier se pré- senta à luy, luy demandant quelque récompense de ses services : a — Je n'ay plus rien, lui dit-il, j'ay tout donné. » — De là , il vint vers M. de Thou, en la salle de l'audience, disant : « — Allons, Monsieur, allons, il est temps. » — M. de Thou alors s'écria : « — Lœtatus sum in his quœ dicta sunt mihi : « In domurn Domini ibimus. » — Là dessus, ils s'embrassèrent et puis sor- tirent. « M. de Cinq-Mars marchoit le premier, tenant le P. Malavalette par la main jusques sur le perron, où il salua avec tant de bonne grâce et de douceur tout le peuple, qu'il tira des larmes des yeux d'un chacun. Luy seul demeura ferme, sans s'émouvoir, et garda cette fer- meté d'esprit tout le long du chemin ; jusques-là que voyant son confesseur surpris d'un sentiment de ten- dresse, à la vue des larmes de quelques personnes :