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CINQ- MARS ET DE THOU. 103 « — Quest-ce à dire cecy, mon Père, dit-il ; vous estes « plus sensible à mes intérests que moy-mesme. » « M. Thomé, prévost de LyGn, avec les archers de robe courte et le chevalier du guet, avec sa compagnie, eurent ordre de les mener au supplice. Sur les degrés du Palais, M. de Cinq-Mars luy dit : « — Quoi, Mon- sieur, on nous mène en carrosse! Va-t-on comme cela en Paradis ? Je m'attendois bien d'estre lié et trainé sur un tombereau. Ces Messieurs nous traitent avec une grande civilité de ne nous point lier, et de nous mener en carrosse. » — Comme il y entroit, il dit à deux sol- dats : « — Voyez, mes amis, on nous mesne au ciel en carrosse. » « M. 'de Cinq-Mars estoit vêtu d'un bel habit de drap d'Hollande, fort brun, couvert de dentelles d'or, larges de deux doigts; un chapeau noir, retroussé à la cata- lane ; des bas de soye verts, et, par dessus, un bas blanc avec de la dentelle ; un manteau d'écarlate. M. de Thou estoit vêtu d'un habit de deuil, de drap d'Espagne ou d'Hollande, avec un manteau court. « Ils se mirent tous deux au fond du carrosse, sur le derrière : M. de Thou estant à droite de M. de Cinq- Mars. Y ayant, sçavoir , leurs deux confesseurs avec leurs Frères. Il n'y avoit personne sur le devant du car- rosse. L'exécuteur suivoit à pied, qui estoit un porte- faix, — qu'ils appellent à Lyon gagne-deniers; — homme âgé, fort mal fait, vêtu comme un manœuvrier qui sert les maçons; qui jamais n'avoit fait aucune exé- cution, sinon de donner la gesne ; duquel il fallut se servir parce qu'il n'y avoit point d'autre exécuteur, celui de Lyon se trouvant avoir la jambe rompue.