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76 BIBLIOGRAPHIE. sociaux, sort-il quelque chose de grand, un essai de répu- blique, comme d'aucuns l'affirment ? Il n'est sorti que des ruines, des mélanges corrompus, des divisions et des partis dont l'existence afflige encore et retarde la civilisation mo- derne. C'est de ce siècle que datent les Réduits, transfuges immondes de toutes les causes, ombres d'âmes si communs, si effrontés aujourd'hui!... Malgré les tons de satire mé- nippée que reprend l'écrivain en fustigeant choses et per- sonnes, sans oublier le temps présent ; malgré ses appré- ciations tant pittoresques et sa rapidité d'allure, on finirait par se lasser, au beau milieu du livre, de ce long et abru- tissant spectacle. Je gagerais encore aujourd'hui que bien des politiques, bons esprits comme Honoré d'Urfé, qui n'était qu'un tiède ligueur, soupirent après une Astrée' Le roman de VHonneste Amitié ne peut donc être une fade pastorale , ses héros des bergers façon Jean-Jacques Rousseau. Cherchons plus haut les visées de messire Ho- noré. Que nous enseignent le constant Céladon doublé de l'inconstant Hylas? Que nous disent Astrée, belle et ver- tueuse, et toutes ces bergères etdruidesses sincères? Elles nous chantent le respect de la femme, la renaissance de la galanterie, chose gauloise, la glorification de leur sexe; ce n'est plus le roman de chevalerie, c'est bien l'essai du ro- man moderne auquel il faut déjà rappeler les esprits dévoyés de nos jours. Il y a plus encore, M. Mario Proth pénètre le sens intime qui se dégage de l'Astrée et lui donne une valeur littéraire et morale, laquelle a trop échappé jusqu'ici aux regards de ceux qui ont eu le courage de lire l'œuvre ; « c'est un très- « intelligent rappel de cette grande Gaule que nous avons « trop oubliée. L'œuvre vivra en dépit de toutes ses imper- « fections littéraires. Elle vivra, parce qu'elle obéit à une « pensée dominante, originale et forte, le rappel de la