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410               LES DEUX PLATS D'ÉPINARDS.

amours dont il parvenait a être le confident en se promet-
 tant bien d'en devenir plus tard l'historien.
    Il était assez bien placé pour ce genre d'observations, car
 il vivait au sein de celle société vaudoise qui se compose en
grande partie d'anciennes familles nobles où se sont conser-
 vées les traditions des belles manières, l'esprit de société avec
 cette légèreté qu'assaisonnent fort bien la bonhomie, la
 franchise, la gaîlé de bon (on , et dans lesquelles se retrou-
 vent encore les qualités qui brillaient au temps des dames
de la Charrière, de Monlaulieu, de Constant, etc., etc.
    A l'abri du tourbillon de la sémillante existence parisienne,
 tous les sentiments affectueux y sont plus sincèrement éprou-
 vés, moins superficiels ; on y égrène moins son fime, si je
 puis parler ainsi ; on y éparpille moins ses penchants ; les
 distractions peu nombreuses laissent plus de temps pour ap-
 précier les qualités de ceux qui en son! doués, les attache-
 ments par cela même sont plus stables, l'amitié moins volage,
 les dévoûmenls plus sûrs, moins ébranlés par le choc de
 mille et mille incidents continuellement renouvelés. Enfin,
 on peut mieux compter sur ses amis parce qu'on en compte
 moins.
    Paul Rives cependant en avait plusieurs parmi lesquels il
 dut choisir ceux qu'il destinait à être les héros de ses nou-
velles. M. de L         , épris d'une charmante demoiselle, le
prit pour son confident, et voilà Pau! Rives qui, poétisant les
moindres démarches et les moindres propos de son ami, le
 met en scène sans qu'il s'en doute, et avance dans sa nou-
velle comme son ami dans le cœur de sa belle ; chaque pro-
grès qu'il fait dans ses bonnes grâces devient un chapitre
ajouté à son roman, quand soudain son héroïne tombe de
char, se blesse grièvement, à ce point qu'une luxation de la
colonne vertébrale la rend affreusement bossue après l'avoir
retenue six mois au lil; voilà son mariage indéfiniment