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LES DEUX PLATS D'ÉPINARDS. 411 ajourné et Paul Rives désolé : comment se résoudrait-il a placer une bosse sur le dos de la charmante demoiselle dont il s'était constitué le chroniqueur? Aucun roman ne lui avait offert l'image d'une jeune fille adorée en dépit d'un dos aussi colossalement ondulé. Impossible de conlinuer son œuvre si amoureusement commencée. Quel titre, grand Dieu ! à don- ner au chapitre où il aurait dû rendre compte des suites de cet aflreux accident ! quelle verve n'aurait été étouffée par ces mois : Hélèna devient bossue!!! Voit-on d'ici s'enfuir alors toute la nichée des amours conviée à son œuvre? Il abandonna donc Hélèna et se mit en quête d'un autre couple soupirant parmi ses relations, et eut le bonheur de trouver à sa porte le parfait modèle d'un attachement fou- gueux chez son ami M. de Pernay, et d'une tendre sympa- thie chez Mlle Némorine Delon ; il ne fit donc que changer les noms de ses premiers personnages avec ceux des derniers et ressuscita Hélèna dans l'aimable Némorine, et M. de L... dans M. de Pernay. Voilà donc son intrigue qui marche, ses chapitres qui s'ac- croissent, son œuvré qui s'avance, grâce au nid de tourte- relles qu'il a sous la main, et dont il fait passer les roucoule- ments dans les pages brûlantes de son manuscrit. Mais il semble que le destin conspire contre lui, et voilà Némorine atteinte par la petite vérole régnante alors dans le canton de Vaud; c'est en vain qu'elle est entourée de soins, en vain que M. de Pernay gémit et se désespère; la belle jeune fille ne revient à la santé qu'aux dépens de sa figure horriblement défigurée. Non-seulement elle reste gravée, mais encore de larges coutures labourent ses joues rosées, altèrent profondément les traits délicats de son visage et le tatouent de taches sanguino- lentes. J'ignore vraiment lequel de l'amoureux ou du roman- cier fut le plus affligé de cette désastreuse métamorphose.