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134                       HOMÈRE

dans le vaisseau d'Agamemnon qu'Homère pouvait les pein-
dre, ou dans le palais de Priam ?
   Sans toutes ces distinctions, ingénieuses sans doute, mais
un peu subtiles, il est bien plus naturel de penser que si Ho-
mère semble quelquefois peindre des moeurs différentes,
c'est que ces nuances coexistaient dans le caractère et l'état
moral de ses contemporains. Ses héros ont des contrastes,
comme les hommes en ont surtout aux époques primitives,
dans les civilisations naissantes. Au sortir de l'enfance, la
race grecque a des vices qui rappellent son origine, qui prou-
vent sa parenté'avec les autres races serties comme elle du
tronc commun de la famille aryenne ; mais elle a aussi des
qualités propres qui vont se développer rapidement et lui
donner sur toutes ses sœurs une précoce supériorité. C'est
la, si je ne me trompe, une vue féconde, et qui donne à l'é-
tude d'Homère un singulier intérêt. On a remarqué que le
mol de barbare n'est pas de la langue d'Homère. II ne se
trouve qu'une seule fois dans l'Iliade à propos des Cariens,
et tous les commentateurs anciens et modernes jugent le
vers interpolé. Et cependant que d'occasions d'employer ce
mot, soit dans les luttes des Hellènes contre les Troyens et
leurs auxiliaires asiatiques, soit dans les voyages d'Ulysse
sur toutes les côtes de la Méditerranée ! Homère ne connaît
ni le mot ni l'idée ; nulle part il ne montre dans les Grecs,
comme le font si souvent les poètes , les historiens,,les
 orateurs de l'âge suivant, une race à part, investie, au
 nom de sa supériorité intellectuelle et morale, du droit
 de mépriser tout ce qui n'est pas elle. Ce fait n'a qu'une
 explication possible : c'est qu'à l'époque d'Homère une
 pareille supériorité n'existait pas. Mais elle allait naî-
 tre, et mille traits l'annonçaient déjà. Les Hellènes sont
 violents comme leurs frères les Germains et les Celtes ;
 avides de butin comme les Normands ou les soldats de