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HOMÈRE. 133 traditions, vivantes de son temps, qui les représentaient tels qu'ils étaient a l'époque de la guerre de Troie, grossiers, avides, cruels, n'ayant encore ni temples, ni sacerdoce, étrangers QUX arts et aux commodités de la vie. Quand il peint les Troyens, au contraire, comme les traditions sont muettes ou moins gênantes, il se met plus a l'aise; il leur prête les mœurs et les sentiments de son époque, plus civi-. Usée et plus douce : Hector est le modèle des fils, des pères et des époux, le vieux Priam témoigne à cette Hélène qui lui a causé tant de maux une indulgence et une bonlé dont Nestor lui-même ne serait pas capable. Les Troyens ont un temple de Minerve dans leur Acropole ; il y a déjà sur les côtes d'Asie des prêtres qui ne sont que prêtres comme Chrysès. Enfin Homère insiste souvent sur le luxe des Troyens, sur la décoration somptueuse de leurs demeures, et dans le temple de Minerve il nous montre une statue de la déesse, témoignage d'une civilisation déjà bien avancée. 1 faudrait vérifier par le détail si cette différence est aussi 1 tranchée qu'on le dit et s'il est permis d'en tirer des consé- quences aussi arrêtées. Il saute aux yeux dès l'abord, ce me semble, que le poète peignant les Grecs dans un camp, et dans un camp où depuis neuf longues années, loin de leur patrie, de leurs foyers, de leurs familles, ils endurent les privations et ne songent qu'au carnage, il ne pouvait leur prê- ter des sentiments tendres ni des délicatesses qui, en géné- ral, ne se trouvent point en pareil lieu; car ce qui les fait naître, ce qui les entretient, c'est la compagnie des femmes et les caresses des enfants. La situation des Troyens est bien différente. Ils sont dans leur patrie, ils ont avec eux leurs enfants et leurs épouses. C'est pour elles qu'ils com- battent et qu'ils meurent, dans l'exaltation des sentiments les plus propres a attendrir le cœur. Et quant au luxe, quant a la civilisation'matérielle, est-ce sous la tente d'Achille et