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132 " HOMÈRE. de leur temps, et ne seraient propres qu'a égarer, si on les interrogeait dans une telle pensée de recherche ; mais elles nous représentent avec une vérité naïve les mœurs de l'âge féodal où les trouvères mirent en œuvre ces anciens canevas et les reprirent à l'usage de leurs contemporains. De même, continue M. Sainte-Beuve, les mœurs décrites dans les poèmes homériques ne nous disent absolument rien de certain sur les- mœurs de la société au temps du siège de Troie , s'il y eut en effet un tel siège ; elles n'appartiennent qu'a l'âge homérique lui-même, et elles ont toute vérité en ce sens. » Vraiment, nous n'en demandons pas davantage. II y a lieu de se demander si ce scepticisme, qui met en doute même la guerre de Troie, est bien fondé en raison; mais pour le su- jetqui nous occupe actuellement, il nous suffît que les mœurs dont nous trouvons la peinture dans l'Iliade et l'Odyssée aient été celles du temps où ces poèmes ont été composés, c'est-à -dire du IXe ou du Xe siècle avant notre ère. Et a parler franchement, je ne vois guère l'importance de la dis- tinction qu'on veut établir. Car enfin suivant les calculs les plus larges soit des anciens soit des modernes, il n'y a pas plus de trois cents ans entre la guerre de Troie et son poète; c'est beaucoup moins qu'entre Homère et Pindare ; or, on le sait, c'est surtout dans leur jeunesse que les peuples res- tent longtemps fidèles à leurs mœurs et à leurs usages. Il est donc permis de croire, quelque progrès qu'on suppose dans cet intervalle, que l'âge d'Homère ne diflérait pas très- sensiblement de celui de ses héros. Nous trouvons une distinction plus spécieuse dans l'ingénieux et savant écrit d'un ancien membre de l'école française d'Athènes, l'Essai sur les dieux protecteurs des héros grecs et Iroyens. M. A. Bertrand, l'auteur de ce livre, croit trouver dans l'Iliade seule deux civilisations distinctes, juxtaposées et côte a côte. Selon lui, Homère, lorsqu'il peint les Grecs, reste fidèle aux