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506                        BIBLIOGRAPHIE.
     On sait avec quel soin les paysans, ces vieux fils du sol, cachent
  aux bourgeois, trop souvent railleurs, les détails de leur vie in-
  time, leurs coutumes, leurs mœurs, leurs superstitions et leurs
  croyances. Qui se promène sur la place du village, qui entre se
 reposer dans une ferme, qui marchande des fruits au marché ou
 reçoit un fermage longuement dispute, n'a rien vu, ne connaît
 rien. Il faut être du pays et avoir assisté aux longues soirées
 d'hiver, il faut avoir écouté avec attention et avoir cru, pour sa-
 voir quelle richesse de lutins, de trilbys, de nains, de géants, de
 dragons volants, de blanches fées nous possédons en France. Les
 coutumes de mariages, de baptêmes, d'enterrements sont incon-
 nues au monde supérieur. La glace qui sépare le dessus et le des-
 sous ne se brise jamais. Le curé lui-même, cet intermédiaire des
 deux classes, ne peut rien vous dire, il ne sait pas ou ne sait plus.
 Seulement, si vous avez été en nourrice au village ou si vous
 songez aux récits enchanteurs que votre bonne vous faisait pour
 vous endormir sous vos doux rideaux, un travail immense se fait
 dans votre esprit au souvenir de grands coups d'épée ou de pro-
 diges auprès desquels les Mille et une Nuits et les œuvres de
 M. Ponson du Terrail sont des récits pleins de mesure et de sens
 commun.
    Médecin dans l'ancienne ville de Saint-Haon-le-Châtel, M. Noé-
 las a.su se concilier les bonnes grâces de la ferme et de la chau-
 mière ; il a caressé les enfants, écouté les vieillards et, en don-
 nant des soins aux malades, il a passé de longues heures devant
 le foyer du pauvre. Comment a-t-il saisi le mot de passe? Com-
 ment a-t-il pu dire à la porte de fer : « Ouvre-toi »? C'est ce qu'il
 nous laisse entrevoir dans son Introduction. Il est fils du pays :
 « Notre enfance a été endormie par des contes et des légendes ;
 nous avons été bercé à la cadence des chansons, et comme autant
 de fées, la foi antique, l'esprit gaulois, la poésie populaire tour à
tour de notre berceau tenaient le cordon mobile. » C'était l'uni-
que chance, l'unique manière de pénétrer dans le labyrinthe ma-
 gique. Homme de sentiment comme de science, observateur et
ne voyant pas l'humanité en dissequeur, se souvenant du passé
au milieu de la science du présent, M. Noélas n'a point dédaigné
la mythologie de ses montagnes ; il a recueilli ces derniers sou-
venirs auxquels il a trouvé un charme profond, et il en a fait
jaillir l'enseignement et la morale en philosophe et en penseur.
    Ces légendes n'ont pas, sans doute, la grâce des récits de la
Grèce et de l'Italie ; on y sent les rudes allures des peuples du
Nord. On y trouve souvent des crimes et des expiations ; le diable
y coudoie les lutins et les fées, mais le neuf y' abonde, l'imprévu
s'y rencontre à chaque page, et ce volume, écrit au pied des
grandes tours féodales, au bruit des torrents et des rafales, a un
parfum sauvage et puissant qu'il n'aurait pas s'il eût éclos dans
un salon capitonné de la rue du Bac.
    L'introduction : Un peu de philosophie à propos de légendes,