Pour une meilleure navigation sur le site, activez javascript.
[ Revenir aux résultats de la recherche ]
page suivante »
                            BIBLIOGRAPHIE.                        807
 est un morceau intéressant et bien senti dans lequel l'auteur ex-
 plique, sans s'excuser, d'où lui vient son amour pour le merveil-
 leux de son pays natal. H préfère les ballades du temps jadis,
 même lorsqu'elles s'égarent un peu dans le domaine de la fantai-
 sie, aux ignobles poésies que les cafés chantants de Paris nous
 envoient. Il a raison, et nous l'aimons quand il se plaint de ce que
 la rusticité a été tuée par la vulgarité. Nous l'aimons et nous l'ap-
prouvons encore quand il déclare qu'il n'y a pas de mal à ce que les
superstitions grossières et absurdes reculent pour faire place au
bien-être et aux mœurs plus douces. « Nous croyons aux efforts
de l'humanité, dit-il, à la Providence qui la guide ; mais nous
pensons que le respect des aïeux n'exclut point le perfectionne-
ment moral. Si, chez des paysans mieux logés, mieux nourris,
dans des maisonnettes plus propres et mieux aérées, la vie de-
vient plus digne en devenant plus libre, l'envie de tout ce qui est
supérieur moins violente, nous ne voyons pas que le charme des
souvenirs nuise à cela. » — « Peut-être, ajoute-t-il, dans ces
légendes nationales, les peuples devenus mûrs pourraient reven-
diquer le germe de leur gloire, le secret de leur grandeur, l'ai-
guillon de leur courage ; peut-être les philosophes y trouveraient
la clef des défauts et des vices, des vertus et des qualités qui font
le caractère de la race. Recueillir ces fastes rustiques, est-ce per-
pétuer la crédulité aveugle et propager l'erreur? Nous croyons
plutôt faire œuvre d'art et de morale, amasser des maté-
riaux d'histoire, travailler à l'amélioration des masses ; nous
croyons aimer notre pays. Epurer l'imagination populaire est une
telle œuvre que nous craignons seulement l'insuffisance des ac-
cents, quoique dictés par l'amour de notre cher Forez. »
    C'est après cette profession de foi d'homme de progrès, d'hon-
nête homme et de penseur, que M. Noélas, nous prenant par la
main, nous promène à travers trente et une légende, en pleine
histoire fantastique. Les notes révèlent un érudit ; des vues de
sites sauvages ou de châteaux bizarrement fendus par le temps
ou la guerre, facilitent le travail de l'imagination et répondent à
un des besoins les plus vifs de notre époque. Le style a conservé
nombre de vieux mots qui font image et que l'Académie doit être
peinée de ne pas voir dans son dictionnaire ; Mijoter, pour cuire
à petit feu -, un ciel dériboulé, pour un ciel couvert de nuages ;
une lèche, pour un morceau; agripper, pour prendre, saisir;
s'encafourrier, pour se mettre dedans ; la pique du jour, pour
l'aurore; baricolé, pour peint de diverses couleurs. L'auteur a
voulu sauver de l'oubli les vieux mots comme les vieilles choses,
et son livre, complément nécessaire de toute histoire sérieuse du
Forez, fera mieux connaître le génie du peuple forézien, son ca-
ractère pieux, rude et bon, que les récits de sièges et de batailles,
les généalogies des grandes familles, les alliances, les fondations,
les donations et autres détails qui, à l'ordinaire, forment les seules
annales d'un pays.                                      A. V.