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492 , MUSIQUE DRAMATIQUE. Deux grands maîtres, Mozart et Meyerbeer, onl tracé la voie en créant deux individualités puissantes : les person- nages de Don Juan et de Bertram resteront comme deux types de profonde individualité, et vivront éternellement dans l'histoire de l'art. Bertram peut être comparé au Méphisto- phélès de Gcethe, par la constance de développement, el Don Juan, comme le fait observer Scudo, esl un disciple de celle école qui n'ayant aperçu qu'un côté de la vérité, a dit folle- ment que l'esprit humain n'était qu'une sensation transfor- mée, qu'un organisme perfectionné. Il a dû croire, en logi- cien habile, qu'il n'y avait rien au-dessus des clartés fugitives de la vie, que la possession des corps était la source de (oute grandeur, el que, par-delà l'horizon qui borne nos regards, il n'y avait que des ombres éternelles (1). Mais combien citez-vous de maëstri qui de nos jours sui- vent celle voie ! — Deux à peine : jadis Donizetti, et Verdi actuellement. Le chœur qui, dans le drame grec, représentait l'unité d'im- pression et de jugement moral, la conscience de la majorité rayonnant sur l'âme du poète, devrait, dans le drame musical moderne, avoir un plus grand développement et s'élever de la sphère secondaire el passive où il est relégué de nos jours, à la représentation solennelle de l'élément populaire. — Au- jourd'hui le chœur esl, généralement parlant, condamné, comme dans les tragédies d'Àlfieri, à l'expression d'une idée (1) « Mozart fit de Don Juan une œuvre unique et d'une beauté éter- nelle en prenant le chant et la passion des Italiens, l'orchestre et la rê- verie des Allemands, la logique dramatique des Français.... Mozart se montra donc ici le conciliateur suprême entre le génie reli- gieux des peuples du Nord et la passion fougueuse des races méridionales, entre l'harmonie profonde des Allemands et la mélodie large et limpide des Italiens. » (Scudo. — Op. cit.)