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382 VOYAGE DE IA'ON A YENNE. horripilante, accompagnée d'une impériale belliqueuse. Quelle tête de sabreur, grand Dieu!... Rassurons-nous. L'heureux possesseur de tant de barbe a pour armes un encrier et un journal à souche. Il n'est pas tout à fait inoffensif, pourtant ! Il en veut a noire bourse. Pour 5 fr. il nous donne un petit bout de papier jaune où quelque chose est écrit que je n'ai point lu. C'est le comptable du bord. Le bambin au sifflet trouve opportun de s'appliquer sur l'occiput la muselière de mon chien, comme les jeunes mariées de Dusseldorff, cette espèce de moule à pûlé qui représente la couronne nuptiale. Ce n'est pas ainsi, lui dit gravement le petit homme à qui il doit l'existence. L'enfant nous regarde d'un air très-malin, tire la langue et fixe le gtillage sur son genou. Son père le contemple avec orgueil. La rive gauche s'escarpe et se découpe en falaise de pou- dingue. Il y a là d'admirables rochers couverts de plantes grimpantes, et des réduits hais et charmants sous un luxu- riant feuillage. Ces petites grottes moussues, cette source limpide scintillant parmi les fleurs, ce gazon doux et moel- leux comme un tapis, auraient rappelé à nos aïeux les nym- phes et les naïdes. Nous rè\ons, nous, déjeûner sur l'herbe, volaille froide, Champagne et crinolines. Justement, le maître coq de l'Hirondelle fait défiler à nos yeux les apprêts d'un succulent repas, linge bien blanc, vais- selle élincellante, hors-deeuvre appétissants, bientôt suivis d'un buisson d'écrevisses, d'un plat de truites, d'une pou- larde rôtie, el d'une terrine mystérieuse, sans compter mainte bouteille aux cachels rouge et vert. Comme le renard de ia fable, nous voyons passer avec un dédain philosophique toutes ces friandises. M. E. exhibe fièrement de ia valise commune une gourde de vin d'Àouste, un gros pain, et une tranche de jambon. Cela ne vaut ni le bourgogne, ni les truiles, ni le foie-gras ; mais le pain est