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NOUVELLE. 311
dans un ciel magnifique colorait et embellissait encore de ses
chauds rayons.
J'ai dû fixer ce jour dans ma mémoire ; c'était le 31 dé-
cembre 1838, et comme je m'extasiais sur cette journée
resplendissante au cœur de l'hiver, Ludovico m'assura qu'il
en serait ainsi jusqu'en mars 1839; prédiction que l'atmos-
phère se chargea de réaliser au delà de toute expression.
Le supérieur m'avait accueilli avec la plus franche cordia-
lité; il m'offrit son beau jardin pour en faire ma promenade
habituelle, et m'assura qu'il serait ravi de me voir profiter de
son invitation.
Toutefois ce jour-là même eut lieu entre nous une petite
aventure qui faillit altérerv dès leur origine, les agréables re-
lations que j'eus avec ce religieux; il me fit voir l'intérieur
du couvent, il m'introduisit dans les dortoirs, les réfectoires,
la cuisine, où partout je vis régner l'ordre et la propreté;
puis, il me conduisit dans des caves magnifiques, richement
encombrées de nombreuses futailles ; de là , nous montâmes
à la bibliothèque, mais nous dûmes rester longtemps 5 la
porte dont la clef ne pouvait tourner dans la serrure malgré
les efforts réitérés du frère supérieur.
Le ciel m'a donné un malheureux penchant à la malice ;
je ne pus y résister en ce moment, et je dis en souriant à Lu-
dovico : « La chiave non gira comme alla cantina (la clef ne
tourne pas comme à la cave); » à ces mots, le supérieur, moitié
souriant, moitié courroucé me répondit: « Sicuro, Signore,
ma si beve tutti i giorni (certainement, Monsieur, maison
boit tous les jours),» me laissant entendre ainsi assez claire-
ment que les visites aux livres étaient moins fréquentes que
celles qui se faisaient aux tonneaux; mais je dois dire que,
malgré cette malice, la cordialité continua sans cesse à ré-
gner entre nous.
Cette bibliothèque de Cernier est fort remarquable, car