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DE LYON A GRENOBLE. 25^ de Bellecour ; les toilettes éblouissent ; c'est la ville transportée au milieu des bois ; un groupe de jeunes femmes, en costume presque de bal, va s'asseoir à l'entrée de forêts qu'on pourrait croire peuplées d'ours et de loups; des enfants ravissants de fraî- cheur, des babys que la bonne tient par la main débouchent en riant des profondeurs de la solitude et des ombres: de joyeuses jeunes filles quittent le groupe où leurs parents causent, à l'abri d'une marquise, pour cueillir la fleur des Alpes sur de hauts som- mets que peut atteindre la voix d'une mère. Nous ne parlerons pas de la vertu des eaux, ni de leur goût, ni des cures qui s'opèrent chaque année ; la moitié des malades qui viennent ici et tous les curieux comme nous, se portent bien. Le temps nous presse, l'heure du retour sonne. Nous jetons à la hâte un regard sur la Naïade qui verse son onde à l'entrée de la promenade, un autre sur la chapelle ornée de tableaux de maî- tres italiens parmi lesquels on nous cite Paul Véronèse, rien que cela ! Paul Véronèse ? Certes ! un beau denier ! Nous gra- vissons la colline que couronne le château et, sur un replat, nous nous trouvons devant une statue gigantesque que la gravure a rendue célèbre , le Génie des Alpes, par un sculpteur greno- blois. Quelle conception grandiose ! quel programme difficile à remplir ! le génie des Alpes, ce demi-dieu caché dans les nua- ges, habitant les glaciers et dominant la France et l'Italie ! L'artiste ne s'en est point mal tiré. Un grand vieillard chauve à barbe givrée est assis sur un rocher. Il tient un sceptre formé d'une houle et d'un aigle ; à ses pieds un ours s'appuye contre les plis de son manteau ; a gauche, un chamois grimpe sur ses genoux, derrière lui des sapins ont été déracinés par l'orage. C'est un peu fait en décors, les détails manquent, mais l'effet général est bien compris, l'idée y est; l'imagination s'est mon- trée vigoureuse, le ciseau puissant et, surtout représentée par la gravure, l'œuvre fait honneur à M. Sappey. Quelques pas nous séparent du manoir ; nous gravissons en- core et nous sonnons à une porte qui n'a rien de redoutable ni de féodal. Un domestique arrive et nous annonce que le château