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128 DE LA MUSIQUE DRAMATIQUE. grande unité sociale, mais elle avait pour compagne insé- parable la poésie, et faisait, telle qu'elle était, partie de l'éducation religieuse et nationale (i). Mais tout avilie qu'elle est de nos jours, la musique est si sainte d'avenir et de purification que les hommes, tout en la prostituant, ne purent effarer tout à fait l'auréole d'espé- rance qui l'environne ; il y a une (elle agitation, une (elle fermentation dans les esprits, qui lui pronostiquent de nou- velles destinées, un nouveau développement, une mission ' nouvelle et plus solennelle ! L'image du beau et de l'harmonie éternelle n'y paraît que par lueurs, il est vrai, mais elle y paraît. On dirait un ange tombé dans l'abîme, d'où il envoie encore sur la terre une voix céleste. Peut-être qu'à la mu- sique, langage universel de tous les peuples, est réservée l'initiative d'une idée que les aulres arts traduiront et déve- lopperont successivement. — La musique est la foi d'un monde dont la poésie n'est que la haute philosophie, et les grandes époques l'initient avec la foi. (1) Chez les Grecs l'harmonie, telle qu'elle est aujourd'hui, était in- connue. Suivant M. Scudo, la musique des Grecs était à la musique moderne ce que le plain-chant d'avant le XVIe siècle est à la musique figurée et idéale, une forme primitive qui n'admettait qu'un petit nombre d'accents et de couleurs, mêlés à la poésie dont elle était un élément secondaire; elle en subissait les lois et servait de véhicule à la parole sans en dépasser beaucoup la sonorité. 11 en était encore de même du temps de la primitive Eglise. On chantait alors les psaumes d'une voix si modérée que le chant qui en résultait était plus voisin de la parole que delà musique; c'était une déclamation d'après la coupe rbythmique et non d'après les règles métriques. Les modes musicaux de l'antiquité (le lydien, le dorien et le phrygien, en outre des subdivisions) ont été retrouvés dans notre plain-chant avec lequel ils avaient la plus grande analogie, ainsi que Pont vérifié les savants travaux de M. Vincent de l'Institut ; ils offraient, après tout, une extrême monotonie.