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DES APTITUDES. 487 De journaliste devenu magistrat, il avait pu enfin traduire son libéralisme spéculatif en service social directement utile, comme de théoricien strictement révolutionnaire devenu chrétien fervent, il avait dû réchauffer les sincérités natives de sa philanthropie au feu vivifiant de la charité. Ce fut alors aussi qu'il aborda les longs labeurs et, pour dire mieux encore avec Cicéron, les hautes fonctions de l'historien. L'historien, en effet, est une sorte de magistrat qui instruit, discute et juge le multiple procès de la glorifica- tion ou de la flétrissure des âges, des nations, des cités, des hommes : son esprit et surtout sa conscience ne sauraient, quoi qu'on ait dit, rester impassibles en reproduisant les outrageux triomphes de l'erreur ou du crime; mais à la fois rapporteur, avocat et juge, il a, dans ce triple ministère, à se défier des théories préconçues de l'esprit comme des passions qu'elles allument dans le cœur ; et plus l'histoire est rapprochée de l'historien, plus grand est le danger de subir a son insu ce double entraînement. Ce fut à notre histoire locale que se voua M. Morin; il se fit le continuateur de celle de Clerjon. L'œuvre méritait-elle cet honneur? De bons esprits en doutèrent. Quoi qu'il en soit, M. Morin eut ainsi a écrire le récit émouvant du dernier âge de la cité lyonnaise ; et il le fit autant sous l'influence des opi- nions excessives de sa jeunesse que des pieuses croyances de son âge mûr. Il en résulta donc une singulière alliance d'idées de révolution et d'ordre, et l'expression d'antipa- thies ou de réhabilitations, que peut seule faire comprendre la pression d'une logique erronée sur une conscience d'homme de bien. Mais ce qui compensera une telle appré- ciation de ses écrits aux regards des doctrines, c'est, au milieu de nos défaillances intellectuelles, cette vaillante indé- pendance d'esprit qui le porte toujours en avant et en haut à la recherche d'un idéal de sociabilité a la fois digne de Dieu et