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MONT SAINT-BERNARD.. 389 geur a Saint-Maurice : d'abord cette vieille abbaye, dont le berceau remonte a la chute commençante de l'empire, et où se conserve encore la ferveur monastique ; puis, cet ermi- tage de Cex et sa petite église, incrustés, pour ainsi dire, dans la paroi du rocher qui supporte la Dent du Midi ; enfin le souvenir, vivant comme aux premiers jours, du martyre de la légion thébaine. On sait que cet événement eut lieu sous l'empereur Maximien Hercule, collègue de Dioclétien, l'an 286, seïon Ruinart, ou l'an 297, selon Baronius. La légion thébaine était composée de 6,600 hommes, tous chrétiens. Mais on ne retrouve dans la légende que les noms des trois principaux chefs : Maurice, Exupère et Candide. Ces braves soldats s'étant refusés a exercer contre ceux de leur religion la rigueur des édits de persécution, Maximien, furieux, les lit décimer d'abord, puis enfin massacrer jusqu'au dernier homme. Cet acte, d'une barbarie jusque-là sans exemple, la tradition n'en place point l'exécution à Saint-Maurice même, ou Jcaunus, mais a quelques kilomètres plus loin. Une hum- ble chapelle, profondément révérée dans le pays, marque" l'endroit qui fut arrosé de ce sang héroïque, et, si attachantes que soient les grandeurs de la nalure, aucun voyageur ne passe sans donner un regard a ce simple monument et sans admirer la grandeur morale de ces soldats, qui, en face de la plus affreuse tyrannie, surent garder l'indépendance de leur foi et la sainte liberté d'obéir a Dieu plutôt qu'aux hommes. Ici, l'inconvénient du chemin de fer est de vous faire passer trop vite a travers un'paysage dont l'aspect change sans cesse. On aimerait a s'arrêter a loisir devant ces grands jeux de la création, à remonter lentement le cours de ce Rhône qui, tantôt coule avec une majesté fière et tranquille, tantôt, irrité contre les obstacles qui resserrent ou embar- rassent son lit, se précipite avec fracas et fait bondir ses flots comme la crinière d'un lion; mais, emporté par l'inexo-