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82 BIBLIOGRAPHIE.
j'ouvre d'une main empressée ce livre à l'endroit du vers qui
me faisait tressaillir, et voici ce que je lus :
— Oh ! mon père ! à cette heure où la guerre agrandie
S'allume autour de vous comme un vaste incendie,
Sans craindre ce fléau, comment jouissez-vous
Dans ce séjour de paix, d'un repos aussi doux?
— Mon fils, lui répond-il, jamais sous ces ombrages
Nous n'avons de la guerre essuyé les'outrages ;
' Jamais bruit de combat, cris de Mars en fureur
Dans ces lieux si lointains n'ont porté la terreur.
Soit que le ciel propice, en sa grâce puissante,
Protége|du pasteur la demeure innocente ;
Soit que l'ardent courroux des glaives étrangers
Pour le front des grands rois réserve ces dangers :
Ainsi qu'on voit la foudre, épargnant les vallées,
Des montagnes frapper les cimes ébranlées,
Vile, en butte aux dédains, notre humble pauvreté
Du soldat ne saurait tenter l'avidité.
Pauvreté dédaignée, avilie, et que j'aime
Mieux que tout l'or des rois et leur pouvoir suprême,
Loin de moi tout désir d'ambitieux honneur: .
Nul avare souci ne trouble mon bonheur ;
Ma soif se désaltère à ces eaux argentées
Sans peur qu'elles ne soient de poison infectées,
Et je vois chaque jour ma table se charger
Du lait de mon troupeau, des fruits de mon verger.
Aucun état plus doux n'excite mon envie ;
Mes désirs sont bornés aux besoins de la vie;
Point d'esclaves :, mes fils, amis de mon repos,
Mes fils que vous voyez, ont soin de mes troupeaux.
Ainsi je vis en paix ; en ce lieu solitaire
Je vois cerfs et chevreaux bondissant sur la terre,