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466 JEHAN PERBÉAL « j'ay aymée et que j'aymeray, -combien que peu vous en « proufîte. « Or, Madame, je vous suplie, en l'honneur de Dieu, « qu'il vous plaise me mander que je me taise, ou que « je suis vostre serviteur, car des biens de ce mondé ne « me chault » etc. , etc (Lettre- du 17 octo- bre 1512). Ce langage serait inexplicable de la part d'un sujet, d'un serviteur tel que Jehan de Paris, si l'on ne voyait percer, à chaque phrase, une grande indignation, une profonde dou- leur résultant d'une injustice dont il paraît avoir souffert et qui lui donnait le droit de se plaindre. Peut-être eût-il fait plus sagement de ne pas exhaler sa plainte en termes si amers, d'une façon aussi violente que peu respectueuse ; mais l'artiste éminent, dont nous con- naissons la fibre irascible, croyait sans doute qu'il pourrait se justifier, qu'il serait admis à fournir ses preuves, à don- ner ses explications contre ses ennemis. La princesse préféra l'éloigner Quoi qu'il en soit, tout en blâmant la forme de cette lettre, reconnaissons qu'il y a loin de ce caractère fier et allier qui élève le talent d'un artiste à l'égal de la grandeur souveraine, avec le ton d'humilité vile qu'on lui prête. Il n'adressa aucune supplique ; ce qui aurait impliqué, de sa part, un manque de dignité dont il était incapable. Il accepta la disgrâce dont il fut la victime, dût sa gloire lui être contestée dans l'avenir, à l'occasion de l'œuvre im- mortelle de Brou dont il a, cependant, fourni les premiers dessins ou patrons ! Encore un mot sur l'église de Brou, au point de vue artistique. On a écrit que l'idéal du style gothique avait été réalisé à Brou comme en Belgique; qu'aucun autre