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UNE NOCE. 229 sa parure ; rien qui s'écarle de la tradition, mais que d'em- bellissemenls, depuis les fleurs du chapeau jusqu'aux malines du tablier de tulle, jusqu'aux rubans moirés qui papillon- nent derrière la coiffe, jusqu'aux souliers de satin découverts. — Mais ces paysannes sont donc riches? ou leur vanité est-elle assez forte pour leur inspirer ie goût déplacé de vêlements aussi coûteux ? — Elles sont riches ; Marguerite est une héritière, el d'ailleurs les gens de la campagne sont trop sensés pour se ruiner ainsi pour le paroislrc, comme eût dit Montaigne. El vois, ce n'est pas la vanité qui anime les Irails de celle jeune fille, mais la plus aimable vivacité, car elle froisse sur sa hanche la lourde éloffe de velours chaque fois que le pas lent de sa grand' mère ralentit sa démarche pressée, el elle chiffonne son tablier de tulle sans même y prendre garde ; quant à la mère Clairay, vois ses yeux vifs sous ses rides et la bonne gaîté de sa vieillesse. Va , mon neveu, la vanité n'est guère un vice des champs, et les gens qui en sont at- teints ne sont jamais accueillis comme le sont ces deux ex- cellentes femmes. Remarque la manière dont on les reçoit. En effet, Marguerite était déjà entourée de ses compagnes, moins somptueusement vêtues qu'elle, tandis que la mère Clairay, appuyée sur plusieurs bras robustes qui s'offrirent respectueusement, monta dans le char à bancs. . Dans ce moment, les cloches firent entendre un joyeux carillon, et les deux musiciens y répondirent par un allégro qui fit bondir d'aise les jeunes filles. Le marié sortit et donna le bras à sa femme. Claude était un grand et robuste garçon, à figure brunie par le soleil d'Afrique, à moustaches noires militairement cirées, et dont la boutonnière était parée du ruban des campagnes d'Italie et de Crimée. En proie à l'extase recueillie d'un bonheur longtemps désiré, il n'eût pas aperçu M. Girard, si sa jeune