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UNE NOCE. 227 dont les rangs pressés s'ouvrirent devant eux. Les portes de l'église, ouvertes à deux battants, livraient passage à un es- saim de jeunes filles qui vint se grouper â quelques pas de la foule, tandis que des jeunes gens, stationnant de l'autre côté du porche, échangeaient avec les jolies Maçonnasses de joyeux sourires et d'assez doux regards. Un char à bancs, dont le che- val était enharnachô de folles banderolles de rubans de toutes les couleurs, attendait les mariés; sur le siège se pavanaient deux musiciens, le Joseph Raille et le Petrus Poinsot de Ba- tiste qui tenaient l'un une flûte, l'autre un cornet à piston. Mais Frédéric* aux oreilles duquel bruissaienl les appréciations des commères sur la toilette de la Benoîte, de ia Nanette, etc., etc., tourna son attention vers les charmants costumes que por- taient les jeunes filles; comme il les regardait sans en examiner un seul, tant ces étoffes papillotaient devant ses yeux, un mur- mure qui s'élève dans la foule et qui se changea en un silence d'admiration, fixa son attention sur deux femmes qui sortaient de l'église. L'une septuagénaire; l'autre dans la fraîche vigueur de ses vingt ans ; la première, appuyée d'une main sur son bâton et de l'autre sur le bras de la jeune fille qui portait haut sa jolie tête enivrée des espérances de la fête et de cette secrète joie, dont la jeunesse a le germe en elle-même ; mais toutes deux vêtues du costume maçonnais. Frédéric prit un plaisir très-vif â contempler le petit tableau contrasté que formait le groupe de ces deux femmes, tableau contrasté de ton et de couleur, de formes et d'expression ; en effet, si la vieille grand'mère courbait un peu sa tête ridée, coiffée du petit chapeau de feutre posé sur une coiffe unie, la jeune fille faisait balancer ce haut chapeau, semblable à un éventail circulaire de dentelles tuyautées, dont la roue est répé- tée horizontalement au bord inférieur qui repose sur le front. Dans cet éventail, s'épanouissait une gerbe de fleurs de jais,