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474 DES TENDANCES DE L'ART. un but matériel, ni plus ni moins qu'une autre profession. Il est dès lors impossible que le grand nombre des artistes ne cherche pas à réussir plutôt qu'à bien faire, et ne suc- combe pas à la tentation d'échanger la richesse et la célé- brité contre une concession aux passions vulgaires. L'opi- nion publique est en ce point complice incontestable des artistes. Nous entendons tous les jours dire d'un roman- cier : Ses principes sont faux, ses idées immorales, mais ce sont les vices du temps ; ou d'un auteur dramatique : Sa pièce est mauvaise , mais il connaît bien son public ; ou d'un orateur politique : 11 ne conclut à rien, mais l'audi- toire est satisfait. Ces réflexions ont-elles un autre sens que celui-ci : Peu importe de faire bien ou mal, pourvu qu'on réussisse? et l'idée que le succès justifie tout, n'est-elle pas diamétralement contraire à l'art ! Nous pouvons conclure que les tendances générales de ia majorité populaire sont hostiles au véritable sentiment de l'art, qu'elles deviennent, par la séduction matérielle, et l'absenee d'esprits supérieurs, celles de la majorité artisti- que que, par suite, elles assurent l'influence aux esprits qui ne cherchent qu'à satisfaire la multitude , c'est-à -dire aux esprits médiocres, et qu'enfin l'art traverse une période dangereuse, égaré dans un immense cercle vicieux, où les attraits de la matière cherchent constamment à l'éloigner de l'idéal. Le résultat, à mon avis , le plus désastreux d'un pareil état de choses, c'est l'avènement nécessaire d'une tyrannie intellectuelle qui pèse sur toutes les productions de l'es- prit, et interdit le succès aux œuvres assez hardies pour ne pas flatter le préjugé populaire et anti-artistique. L'auteur qui se heurte contre ce rempart est sûr d'échouer, à moins