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DE LYON. 28S mer une substance liquide, douce et agre'able au goût, peut sembler reprehensible chez un poète écrivant en face d'une religion qui faisait du nectar la boisson de ses dieux. Mais ce qui souffre moins d'excuse, c'est le mot ombres, umbris, par lequel il désigne les âmes qui vont subir l'arrêt du divin juge : Et loca pœnarum venturis dividis umbris. Au demeurant, ces termes polythéistes ne sont que des erreurs de costume , des défauts de couleur locale. Une lit- térature inexercée les rendait inévitables à l'époque de tran- sition où l'auteur écrivait. Les reproches de saint Just, les abus mythologiques de saint Sidoine, venu cent ans après, prouvent surabondamment que le jeune anonyme se confor- mait , dans l'école de Lugdunum , au langage qu'il enten- dait, au style qu'il étudiait, aux modèles qu'il avait sous les yeux. A ces fautes de style j'en ajouterai quelques autres, pro- bablement inhérentes au pays qu'il habitait. Par exemple : il emploie, avec une sorte de parti pris, au lieu de filius et de natus, fils, les mots pignus, gage, fœtus, produit. Cependant, bien que pignus, employé surtout par les poètes élégiaques, signifie rarement au singulier un gage d'affection, un fils, il se trouve élégamment encadré dans ce vers, où il s'applique au fils du Très-Haut : Summe Deus summique Dei venerabile pignus. Mais ces expressions et quelques autres, affectionnées du poète, sont, je le conjecture, de la latinité particulière du pays où il écrivait (1). (1) Les patois du Lyonnais, formés en partie des cléments importes par la colonie de Plancus , possèdent, entre autres, faya, feya, brebis pleine,