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NICOLAS BERGASSE. 95 sœurs en effet, où l'esprit du temps et la tradition s'unirent ensemble d'une étreinte qui fut féconde et qui aurait dû être éternelle ! Des deux actes du sénat qui décidèrent de la si- tuation, l'un prononçant la déchéance de l'empereur, l'autre imposant des conditions à la rentrée de Louis XVIII, aucun n'obtint l'assentiment du vieux constituant. Sa générosité naturelle se révoltait contre cette monstrueuse insolence suc- cédant à une monstrueuse platitude. « Je me croirais bien vil, s'écriait-il au de'but d'une brochure qui partagea le succès de la fameuse brochure de Chateaubriand, si, maintenant que Bonaparte a cessé d'être redoutable, je poursuivais avec acharnement sa mémoire (1). » L'acte constitutionnel pa- raissait à Bergasse aussi peu justifiable devant la raison que l'acte de déchéance l'était peu devant l'honneur. De quel droit le sénat conservateur de l'Empire s'avisait-il de nous octroyer une sixième ou septième constitution ? Est ce qu'il pouvait se croire, à quelque titre que ce fût, le représentant de la nation française ? Est-ce que ses membres ne savaient pas qu'ils venaient de parler pendant dix ans, au nom de la France muette, un langage d'adulation et de bassesse qui n'était que le leur? N'auraient-ils contrefait une dernière fois la voix du pays que pour glisser dans l'acte constitutif la conservation de leurs charges et dignités héréditaires ! Quoi ! nous aurions fait une révolution pour que des Bohan, des Montmorency, des Choiseul, des Brissac , des la Tré- mouille perdent leurs privilèges dans l'Etat, et il faudrait conserver des privilèges pour MM. Grégoire, Chaptal, Chas- set, etc. ! Eux qui ont tant déclamé contre les titres et les distinctions de naissance feraient de la reconnaissance de leurs titres et distinctions une condition de la liberté des Français ! « Fions-nous au roi plutôt qu'à eux, disait l'im- (1) Réflexions de M. Bergasse, ancien député à l'Assemblée constituante, sur l'acte constitutionnel du sénat,