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PATOIS DU LYONNAIS. 217 « réchaud sous mon lit... Mais c'est encore bien pis en ce « pays; je vous jure que j'ai autant besoin d'interprète qu'un « Moscovite en aurait besoin dans Paris. Néanmoins je « commence à m'apercevoir que c'est un langage mêlé « d'espagnol et d'italien, et comme j'entends assez bien ces « deux langues, j'y ai quelquefois recours pour entendre les « autres et pour me faire entendre. Mais il arrive souvent « que je perds toutes mes mesures (1). » C'est la une observation précieuse, et par celui qui l'a faite, et parla justesse de tous ses détails. Racine, né à la Ferté- Milon, élevé à Beauvais et à Paris, n'avait jamais entendu résonner que les accents des pays de langue d'oil. Jusqu'à Lyon, il avait compris le langage des parties de la France qu'il traversait. A Lyon, d'autres accents frappent son oreille ; il commence a ne plus comprendre et a n'être plus intelligible. Cette discordance de langage s'aggrave 'a mesure qu'il s'avance en pays de langue d'oc ; et il a bientôt reconnu que cette langue harmonieuse, fille du latin comme le fran- çais du nord, s'est beaucoup moins éloignée de son origine et qu'elle en a gardé des traitspresqueaussi ressemblants que ceux de ses deux sœurs la langue italienne et l'espagnole. De nos jours cette limite, où la langue du midi devient tout h fait reconnaissable dans le langage du peuple, s'est reculée sous l'action toujours plus énergique du français. Il faut aller jusqu'à Valence pour la trouver. Il y a cependant encore à cet égard une grande différence entre le peuple des villes et celui des campagnes. Un Picard ou un Normand qui parlerait dans nos villages le patois de son pays y serait certainement inintelligible. Un Languedocien et un Pro- vençal y seraient mieux compris. (1) Lettres de Racine. Prem, lettre à la Fontaine,