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 118                     QUERELLE DES ANCIENS

    Ce n'est point de cette façon que les plus grands philoso-
phes ont compris le progrès ; ce n'est point ainsi que doi-
 vent s'appliquer le doulc méthodique de Descartes et la
•mclhode expérimentale de Bacon. Leur but et leur procédé
 sont bien différents : ils n'ont pu supposer que chaque
 homme , abandonné a ses propres lumières, fût autorisé ni
 de force a aborder et traiter toutes les questions à sa guise ;
 ce serait vouloir recommencer sans cesse les sciences et
 les arts, sans tenir compte des traditions ni du passé ; à
 coup sûr, de pareilles utopies ne pourraient que nous ra-
 mener au chaos et finir pas faire de l'œuvre de l'humanité
 une autre tour de Babel.
    11 faut protester hautement contre d'aussi déplorables ten-
 dances ; il faut, contre cette maladie morale de notre époque,
 qui n'est point du domaine de la médecine, chercher dans
 les grands exemples de l'histoire le remède le plus directe-
 ment efficace qu'on puisse lui appliquer : quand on considère
 tout ce qu'il a fallu de labeurs aux vingt siècles qui nous
 précèdent pour amasser lentement la somme des connais-
 sances dont nous jouissons, combien paraissent misérables
 ces prétentions individuelles si exorbitantes ! Et quand on
 voit les plus grandes intelligences, les plus vastes génies
  avouer leur insuffisance et comme leur néant, hélas ! que
 peut-on penser de ceux qui présument tant d'eux-mêmes !
 Écoutez le célèbre Laplace à son lit de mort ; à ceux qui lui
 rappellent ses plus éclatantes découvertes , que répond-il ?
  « Ce que nous savons est peu de chose, ce que nous ignorons
 est immense (22). » Arago va jusqu'à dire que la généra-

    (22) « Les personnes qui ont assiste aux derniers instants de Laplace, lui
 rappelaient les titres de sa gloire et ses plus importantes découvertes ; il
 répondit : « Ce que nous connaissons csl peu de chose, ce que nous igno-
 rons est immense ». C'est du moins, autant qu'on l'a pu saisir, le sens de
 ses dernières paroles à peine articulées. Au reste, nous l'avons souvent.