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LES JUIFS DANS LE MONDE. 307 littérature a sa rue des Juifs. On y lit les noms de Boerne, de Racket Varnhayeu d'Ense, de Heine, à côte de ceux de MM. Maurice Hartmann, Berthald Auerbach, Mosenthal, Wolfsohn ; — j'en passe et des meilleurs. Voulez-vous savoir pourquoi? Un Allemand, M. Bo- bert Prutz, le directeur du Musée germanique, vous répondra dans sa récente Histoire de la littérature contemporaine. « Les femmes, dit-il, sont devenues, dans noire littérature, une puissance avec laquelle il faut compter : comme les Juifs, on com- mence à les lencontrer partout. Que ce rapprochement ne semble pas arbitraire : il existe en réalité. Tous deux, les Juifs et les femmes ne sont pas encore parvenus chez nous, à la possession complète de leurs droits naturels ; tous deux se sentent opprimés, blessés, bru- talisés. De là vient qu'il se jettent également avec une ardeur pa- reille dans les belles-lettres, en partie pour combattre dans le champ clos de la publicité pour leurs droits méconnus , en partie surtout pour trouver dans le commerce idéal avec l'art et la science , une consolation des misères et des injustices de leur existence. C'est une chose triste à dire, mais elle doit être dite, car c'est une vérité. » Le lecteur sera étonné, sans doute, qu'à propos de l'Enseignement universitaire en Allemagne, nous nous soyons étendu aussi longue- ment sur les Juifs et que nous ayons plaidé aussi vivement leur émancipation civile. Nous n'y avons pourtant aucun intérêt person- nel , n'ayant été cl, présentement, n'étant nullement leur coréli" gionnaire. Mais nous avons été entraîné par ce sentiment naturel de commisération que tout homme éprouve pour des malheureux. D'ailleurs, il nous restait dans la mémoire un souvenir triste et pénible, celui de ce ghetto polonais plus haut décrit, que nous vou- drions voir disparaître à tout jamais. Du reste, il nous a semblé qu'en ce moment, où, en Europe, on parle si favorablement du ré- veil et du triomphe des nationalités, certains Gouvernements écou- teraient plus volontiers ce que nous pouvons dire, au nom de la justice, pour la réhabilitation d'une des plus anciennes familles de l'espèce humaine ; famille contre laquelle, disait Lord Macaulay, on maintient la persécution au nom des vices que cette même per- sécution a produits et entretient chez clic .En tout cas, npus sommes assure d'avance de voir notre plaidoyer bien accueilli par nos com- patriotes qui sont, par nature, sympathiques à toutes les causes opprimées. Et nous espérons que les Juifs, comme d'autres races ou nationalités persécutées, auront occasion de répéter ce que disaient si justement les Américains par la bouche de Jefferson, à l'époque de la guerre de l'Indépendance : « Tout homme a deux patries : la sienne d'abord, la France ensuite. » ' GALLAVARDH.