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376 ÉLOGE DE M. DE CHANTELAUZE. Nous avons dû à cette partie de sa vie, quelques-uns de ces écrits qui rappelaient à la fois sa haute science et son autorité. Ses mémoires, comme ses conclusions d'aufrefois, devancèrent et fixèrent souvent les arrêts de la justice. Mais ces exemples furent rares ; la vie du cabinet a perdu son antique ascendant. J'aimais cette alliance de l'expérience qui conseille et de l'ardeur qui combat. Les anciens demeu- raient plus longtemps utiles,la jeunesseplus longtemps sou- tenue. Mais nos temps de rapidité et d'impatience pressent les dénoûments, l'improvisation domine tout, les armes comme le barreau, la politique comme les affaires. Le barreau y a moins perdu que les autres carrières ; si les anciens restent actifs moins longtemps, ils n'en demeurent pas moins hono- rés et si le cabinet ne partage plus le poids de la lutte, l'au- dience a trouvé des maturités assez précoces pour le porter tout entier. La santé de M. de Cbantelauze suspendit bientôt même les paisibles travaux qu'il s'était réservés. Il nous en reste assez pour honorer sa mémoire et servir de modèle à nos successeurs. On se sent ému, en y retrouvant des traits de désinté- ressement dignes de marquer même dans l'histoire d'une profession où toutes les traditions de l'honneur ne nous étonnent jamais. On le vit s'enfermer plus que jamais dans la retraite; fuyant le monde, non par amertume, mais par une réserve dont rien ne pouvait vaincre l'ombrageuse délicaiesse. 11 partageait son temps entre deux retraites : tantôt dans son modeste domaine du Forez, où il se trouvait à l'aise en se mêlant, avec une simplicité antique, aux villageois dont il s'était fait le conseil, l'arbitre et l'ami, tantôt se renfer- mant dans l'obscurité volontaire de son manoir lyonnais. Il voulait vivre seul, il ne pouvait être oublié. 1