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ÉLOGE DE M. DE CHANTELAUZE. 377 Quelques amis purent seuls visiter parfois l'intimité de ce respectable sanctuaire. Ils peuvent vous dire tout ce qu'on y respirait de cordiale simplicité , de patriarchales vertus. Ils ont joui de celte bienveillance toujours douce et grave, et qui devenait touchante quand les expansions de l'amitié venaient éclairer d'un demi-sourire les nuages de son front et les mélancolies de sa destinée. Ils ont goûté le charme de ses entretiens si pleins, si variés, si attachants, quand l'abandon de la confiance lui permettait d'être lui-même. Rien ne lui était étranger : il avait approfondi la législation comme l'histoire ; il savait l'écono- mie politique comme il cultivait les lettres. Son discours d'installation parmi vous, prononcé en l'honneur des études classiques, mérita d'être remarqué. Beaucoup d'oeuvres va- riées avaient occupé sa retraite ; il avail commencé une Histoire du royaume de Sardaigne, que les souffrances ne lui ont pas permis d'achever. Surtout, nous avons pu admirer une hauteur de vues po- litiques que la retraite a pu voiler sans l'abaisser jamais. On retrouvait en lui cette largeur d'idées, cette pénétration calme qui avaient fixé les regards de tant d'hommes d'état et appelé son concours aux plus grands postes de la monarchie. Cette rare capacité a échappé plus que les autres aux appréciations du grand nombre. La foule ne voit que ce qui se montre ; elle recherche peu ce qui a besoin d'être observé ; elle est disposée a applaudir a l'étalage et a croire la modestie sur parole. Nul ne peut savoir les précieuses lumières que, dans des temps plus calmes, M. de Chantelauze eût apportées dans les conseils du Roi, au gouvernement de son pays, au service de la justice. Ce vaste côté de son intelligence est resté dans l'ombre, et c'est encore une des fatalités de sa destinée.