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CONSIDÉRATIONS SUR i/ÉPOPÉt'.. 101 sable de chants et de traditions, que des rapsodes ambu- lants allaient répétant partout. Homère parut, qui choisit parmi ces traditions celles qui entraient le mieux dans le cadre qu'il s'était tracé, et il éclipsa en les résumant et en les surpassant par son génie tous les Aëdes qui l'avaient précédé. Ses vers trouvaient ainsi dans les masses un écho toulprépare. 1 était pour les villes et pour les anciennes 1 familles de la Grèce, le véritable dispensateur de la gloire et de l'immortalité. Pour nous, il est le plus grand inter- prète, le peintre le plus parfait, j'allais dire l'historien le plus admirable d'une époque qui n'avait point encore de véritable histoire, et qui depuis trois mille ans est retombée dans l'abîme du passé. Sans Homère, nous ne connaîtrions que beaucoup plus incomplètement les âges héroïques du monde hellénique. Grâce aux deux monuments qu'il nous a laissés, nous pouvons les étudier comme dans une espèce de miroir grossissant qui les reflète avec des proportions plus vastes, mais sans en altérer les traits. "Vous dirai-je maintenant un mot, Messieurs, de l'extrême vérité de couleur locale que j'admire, soit dans l'Iliade, soit dans l'Odyssée, et de la fidélité avec laquelle le poète nous dépeint les contrées dont il parle? Cette fidélité est telle, qu'il est impossible de la méconnaître, et qu'il faut admet- tre nécessairement qu'Homère avait vu lui-même la plupart des localités qu'il décrit. Sans doute, il ne faut pas lui de- mander cette précision de détails et cette exactitude minu- tieuse qu'on exige d'un topographe; ce serait la chez un poète un défaut plutôt qu'une qualité ; mais l'aspect général des lieux où il transporte tour a tour ses lecteurs est re- produit avec des lignes et des couleurs dont il est difficile de contester sérieusement la ressemblance. Pour mon compte, en faisant le tour delà Méditerranée, j'ai visité une grande partie des contrées qui sont décrites