page suivante »
494 LE PÈUE DE LA CIULZE. bientôt elles devinrent l'unique entretien de la cour et de la ville. Au point de vue littéraire, et malgré la complète invraisem- blance du dialogue, malgré la monotonie de la mise en scène et du sujet, le livre n'en était pas moins, par la pureté soutenue de son style, par son éloquence et par son esprit fin et attique, une œuvre sans précédent jusque là . Le succès des Provinciales fut tel qu'elles furent lues avec empressement par ceux-là mêmes qui, au fond, savaient fort bien à quoi s'en tenir sur le peu de solidité des arguments de Louis de Montai te. Ce fut surtout la bourgeoisie parlementaire qui, voyant dans ce pamphlet écha- faudé avec tant d'art une formidable machine de guerre pour détruire un des plus fermes appuis de la monarchie, contribua le plus à exagérer sa valeur et sa renommée. « La haute bourgeoisie, dit M. Louis Blanc (1), avait compris que la cause du Jansénisme était la sienne... Que, pour enlever aux Rois le pouvoir absolu, il fallait arracher aux Jésuites leurs directeurs spirituels, le gouvernement des familles, et l'éduca- tion de la jeunesse. » « Les Provinciales trouvèrent dans le Parlement, ajoute cet écrivain, une complicité sourde mais active. L'avocat-général inclinait au Jansénisme et, dans un récent discours, il avait à moitié trahi le secret de son penchant : le premier président de Bellièvre fit mieux : lecteur assidu des Provinciales, il s'en montra charmé, et ce fut lui qui ordonna la levée des scellés mis à l'imprimerie d'un des libraires de Port-Royal (2). » « Il fallait d'abord se cacher, dit M. de St-Gilles, un des prin- cipaux agents delà propagande janséniste, et il y avait du péril ; mais, depuis deux mois, tout le monde et les magistrats eux- mêmes,— il aurait pu dire les magistrats surtout, — prenant grand plaisir à voir dans ces pièces d'esprit la morale des Jésuites naïvement traitée, il y a eu plus de liberté et moins de péril (3). » (1) Hist. de la Révolution française, par M. Louis Blanc,tom. I, p. 201 et suivantes. (2) Idem tom. I, p. 219. (3) M. Sle Beuvc donne celle note dans son l'ort-Hoyal, lom. II, p. 551.