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•m UNE PRIMA DONNA LA FAUVETTE ET L'ANE. Mistriss Fauvette, en un certain bocage, Egayait les échos de son joli ramage, Elle chantait... — Qu'entends-je? interrompit le mari de la prima donna, d'une voix de buffle, et comme s'il s'éveillait après un affreux cauchemar. Je connais ces vers... c'est la même fable !... Puis, s'approchant du lecteur avec une agitation fébrile : — Mon cher, camarade, lui dit-il, la pièce est-elle signée ? — Oui, signée en toutes lettres : Ludovic de Coulanges. — Et comment finit cette pièce ? — Comme finissent assez souvent les pièces et les acteurs par un coup de sifflet. — Ah ! je le tiens donc enfin ! — Quoi, le coup de sifflet? reprit le malin comique. — Nous allons donc pouvoir nous couper la gorge avec ce monsieur Ludovic de Coulanges Quel bonheur ! Et le pauvre halluciné, en disant cela tomba de tout son poids sur un banc de gazon qu'exigeait la mise en scène de l'opéra en répétition. Le gazon était en bois découpé çà et là par des feuillages élancés et pointus comme des lames de couteau, si bien que dans sa chute notre homme se fit de profondes éeor- chures sur la partie la plus charnue du corps. La douleur qu'il en ressentit lui rendit les sens bien plus vite que n'auraient fait des flacons de sels et de vulnéraire. L'incident était fâcheux mais comique ; il égaya les chers cama- rades. Ceux-ci connaissaient d'ailleurs l'aventure de la prima donna au théâtre de....,ainsi que la séparation qui l'avait suivie; et comme il arrive toujours, la malignité se plaisait à présenter le malheur imaginaire du mari, comme un malheur réel. La jalousie, même celle-là qui est mal fondée, mériterait an moins un indulgent intérêt, car elle est le plus cuisant de tous les maux ; mais c'est au contraire le mal dont les hommes s'a- musent avec le plus d'irréflexion et de cruauté. Ils ne songent pas que la peine dont ils rient aujourd'hui, demain peut-être