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EN PROVINCE. 393 sera celle dont ils souffriront pour le plus grand divertissement d'autres railleurs. Cependant l'heure marchait, et la répétition pour laquelle les acteurs avaient été réunis ne marchait pas du tout. — Ah! ça, s'écria le régisseur, quand commencerons-nous donc à répéter ? Voilà plus de deux heures que nous sommes ici et l'on n'a pas encore dit un mot. de l'ouvrage. Voyons, messieurs et dames, en place et à vos rôles, s'il vous plaît. Mais le mari de la prima donna qui remplissait un des principaux personnages du libretto, venait de prendre son cha- peau; il avait mis son rôle dans sa poche, et il était parti l'œil en feu et le geste menaçant. — Comment répéter ? dit le ténor, voilà la basse qui a fait une fugue prolongée vers la porte. — La répétition est impossible, reprend le baryton. — Pardon, pardon, messieurs, dit le régisseur; vous pouvez répéter votre quatuor à trois. Une fois n'est pas coutume. — Si nous allions déjeûner à la campagne ? dit le financier de la troupe, la chose serait plus naturelle. — Tiens ! l'idée est ingénieuse, reprit le comique. Qui nous •aime nous suive, mesdames ! — Nous voilà ! nous voilà ! firent ces dames, avec un ensemble qu'on aimerait à trouver plus souvent dans les chœurs d'opéra. — Ah ! ça, voici une détestable plaisanterie, s'écria le régis- seur... et la pièce en répétition, messieurs? — Allons, allons, ne nous fâchons pas, mon petit, soyons gentil, dit celui-ci. — La répétition aura son tour, dit celui-là . — La pièce ira comme sur des roulettes, dit un autre. Et tous s'envolèrent vers les champs comme une nuée de pierrots et de sansonnets. Il ne resta plus au théâtre que le régisseur syncopé et le souf- fleur qui dormait dans son trou.