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384                      UNE PRIMA DONNA

prima donna, des drames intimes tout pleins de douleurs et de
larmes. Il ne faudrait pas trop en vouloir à cet homme. La jalou-
sie, arrivée à un certain état chronique, est une maladie incura-
ble ; et l'on doit la pitié aux malades.
   Disons d'ailleurs, qu'en dehors de ses accès de monomanie
ombrageuse, le mari était bon et affectueux pour sa femme. —
Une circonstance qui se reproduisait malheureusement tous les
jours, surexcitait cette imagination maladive :
   La jeunesse dorée de la ville, comme cela se pratiquait alors
en province, et comme cela existe sans doute encore aujourd'hui,
ayant le privilège de ses entrées au théâtre et dans les coulisses,
venait papillonner et coquetter autour de la diva. C'était à qui
ferait le plus d'esprit, lui adresserait les choses les plus galantes.
 «La Catalani, la Pasta, la Malibran, disait celui-ci, vous ont couvée
sous leurs ailes, nourrie de leurs grâces -, elles ont illuminé votre
chant de leurs fusées sonores. » — « Le chant sur votre bouche,
disait un autre, a l'air d'un oiseau sur une rose, » et mille au-
tres fadaises. Modeste et réservée, la jeune et belle cantatrice
fermait l'oreille à tous ces propos d'une sotte fatuité ; la fatuité,
elle aussi est, chez certains hommes, une maladie incurable.
   Ces beaux messieurs n'ignoraient pas ce qui était notoirement
connu dans la ville, les vertus et la sagesse de la prima, mais il
est reçu parmi beaucoup de gens du grand monde, comme parmi
quelques bourgeois du demi-monde, qu'avec les femmes de théâ-
tre on peut tout croire, tout oser, tout dire. Souvent cela pou-
vait être vrai autrefois, mais de tout temps, au grand honneur
 de l'art, il y a eu des exceptions : ces exceptions, il faut le re-
 connaître, sont plus nombreuses aujourd'hui que jamais ; elles
 sont d'ailleurs chez l'artiste presque toujours en rapport direct
 avec la supériorité de l'intelligence et du talent.
   Quelle femme eut jamais une cour plus assidue d'admirateurs
jeunes, riches, nobles, enthousiastes, passionnés ? qui fut plus
adorable et plus adorée que Mlle Sontag? (comtesse deRossi). Au
milieu de tous les enivrements de ses succès, environnée de
toutes les séductions du monde et de ses vanités , la diva resta
toujours bonne, charitable, vertueuse et modeste; elle écondui-