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42 BON JUAN. pour quelque ami fidèle, et, glissant un billet par les fentes de la porte, le prie de le remettre à celui qu'elle aime. Don Juan l'ouvre, voit qu'il s'agit d'un rendez-vous nocturne où l'on avisera aux moyens de fuir ; infidèle aux lois de l'honneur, il garde le billet, se travestit,, et dona Anna re- çoit dans son appartement l'audacieux ravisseur. Aux cris qu'elle pousse en reconnaissant son erreur, son père ac- court l'épée a la main, un combat s'engage, il est tué et Don Juan s'échappe sans être reconnu. Après quelques scènes qui, suivant l'usage du théâtre espagnol, embrassent un long espace de temps, nous le re- trouvons dans l'église où s'élève le tombeau du commandeur, lisant négligemment l'inscription : « Ici, le plus loyal cheva- lier attend de Dieu la vengeance d'un traître. » — « Vrai- ment, s'écrie-t-il, c'est de moi que tu veux te venger, bon vieillard à la barbe de pierre ; viens souper ce soir à mon hôtellerie, nous nous battrons ensuite, si tu y tiens, bien qu'il soit difficile de ferrailler avec une épée de marbre.... Ta vengeance est bien lente a venir, si tu dois l'exercer, tâche de ne pas dormir davantage ; autrement, si tu comptes sur la mort, renonce à l'exercer, j'ai du temps devant moi. » Tirso de Molina n'a pas besoin du jeu de scène employé par Molière ; la statue reste immobile et muette ; mais bien qu'elle n'ait pas fait le fameux signe de tête, elle sera fidèle au rendez-vous. Don Juan la reçoit intrépidement, ne dou- tant pas qu'il n'y ait dans cette apparition une action sur- naturelle, mais voulant prouver au mort qu'il- ne sait pas trembler. En vain son valet épouvanté refuse de se mettre à table : « Je ne pourrai jamais souper avec un habitant de l'autre monde, avec un convive de pierre. » DON JUAN. S'il est de pierre, qu'as-tu à craindre de lui? — Qu'il me casse la tête, répond Catalinon avec un assez