Pour une meilleure navigation sur le site, activez javascript.
[ Revenir aux résultats de la recherche ]
page suivante »
516                 LE PUBLIC AU THÉÂTRE.
la manière dont on les interprète sont appréciées par le public
à leur juste valeur. Que voulez-vous de plus? Allez, allez ! ce té-
moignage sonnant est encore celui auquel on attache le plus de
prix !
   Vraiment ! vous vous croyez quitte ainsi ! Et voilà votre der-
nier mot sur les artistes ! Mais de quelle race les croyez-vous
donc? N'en auriez-vous jamais approché de véritables ? Laissons
de côté—j'aurais trop beau j e u — les sommités devenues po-
pulaires par leur culte désintéressé de l'art, les Nourrit, les
Malibran, les Levasseur, les Dabadie. Mais prenez le plus infime
cabotin. Faites-le eàuser un quart d'heure: de son cynisme,
de sa cupidité d'apparat, de son affectation à répéter qu'il en
donne au public pour son argent, vous aurez bien vite tiré la
conclusion que ces soins vulgaires ne sont que sa seconde préoc-
cupation ; que l'amour de la gloire agite même ces bas-fonds,
peut seul en faire remonter à la surfaee quelques nobles bouil-
lonnements.
   Raisonnons d'ailleurs ; raisonnons à la lyonnaise, je veux dire
calculons. Vous vous croyez libéré, n'est-ce pas, pour avoir ac-
quitté le coût de votre place? L'illusion est sincère; mais, sa-
chez-le bien, c'est une illusion. A ce compte, vous êtes effecti-
vement en règle vis-à-vis de l'administration . Mais, à l'artiste,
que lui importe que vous ayiez ou non payé ? Avec ou sans
votre monnaie, ses appointements à la fin du mois, s'il a régu-
lièrement fait son service, ne lui sont pas moins légalement,
dûs; (j'ajoute qu'ils ne lui seront pas moins exactement payés,
puisque nous avons , cette année, un directeur solvable ) .
Vos 35 sous vous donnent quittance au contrôle ; et l'on vous
doit, à ce prix, le spectacle entier, complètement et correcte-
ment rendu, tel qu'il était promis sur l'affiche. Mais la perfec-
tion surerogatoire de l'exécution, mais les élans passionnés, mais
les efforts préparés ou improvisés pour votre plus grande jouis-
sance — efforts où s'abrège, où va parfois se briser une existence —
tout ceci, mon bon ami, se solde à part. C'est le compte per-
sonnel de l'artiste ; à lui seul vous le devez, car lui seul a pu
vous le produire. Vos applaudissements en sont le salaire légi-