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                     LE PUBLIC AU THÉÂTRE.                        515
 râbles. Mais pour lui en arracher une marque visible, ne l'espérez
jamais. C'est son voisin que ce soin là regarde. Ou, si vous le
pressez trop, il a sa formule tçute prête : Je n'applaudis jamuis
au théâtre !
   Au petit air aristocratique dont mon tailleur me lâcha un jour
cette sentence, j'y reconnus plus de profondeur qu'il ne m'avait
semblé d'abord. Evidemment, c'est encore ici le respect humain
qui commande. Du poulailler du Grand-Théâtre au parterre
debout des Célestins, ce qui rend muette cette bouche occupée
à des soins plus odorants, ce qui condamne à l'immobilité ces
mains calleuses, l'eussiez-vous cru?... c'est le bon genre ! Oh si,
par impossible, renaissait de ses cendres ma vieille salle Favart,
quelle leçon pour la réserve gourmée de nos dandys lyonnais !
Des loges, de l'orchestre, des avant-scènes le signal parti de cent
mains gantées, de cent têtes étincelantes de parure, embrasait
le parterre où l'on ne connaissait qu'une crainte, qu'une honte,
celle de s'être laissé devancer. Je sens encore cette commotion
électrique si intelligente, si pleine d'à-propos, qui faisait de l'au-
ditoire d'alors le premier tribunal de l'Europe lyrique. Je vois,
de son coin obscur, — c'était en 1831 —s'élancer un homme
pâle, inspiré, apostrophant tout haut la Malibran de : ; chère<
femme ! femme divine ! » c'était Listz qui préludait à sa gloire...
et qui n'avait pas peur de se compromettre.
   La tradition n'est point perdue. Si la consolation m'est échue
de voir à l'Opéra Roger, Levasseur, Mm" Viardot chanter d'un
bout à l'autre le Prophète, dans toute sa solennelle longueur, sans
étrenner de la soirée, je me souviens aussi de l'accueil fait à
l'Étoile du Nord, à Galatée, à Bataille dans le Songe d'une nuit
d'été. Et je suis en mesure d'affirmer à notre fashion du fau-
bourg de Bresse qu'elle peut, sans trop déroger, laisser éclater
au théâtre comme dans la rue ses bruyants transports.
  A quoi bon applaudir? disent de fort sensés amateurs. Je vais
au théâtre; probablement, c'est parce que je m'y plais. —J'y re-
tourne ; certes, si je donne mon argent, c'est que j'y trouve
quelque compensation. —La foule s'y porte, la salle est comble.
Par cela seul n'est-il pas évident que les œuvres représentées et