page suivante »
454 DE LA DÉCADENCE ROMAINE.
partie, eût été regardé comme un homme sans goût. Mar-
tial et Horace donnent des louanges aux cuisses de pigeon.
Je suis donc bien embarrassé pour adopter une opinion : de
plus compétents décideront la question. Au reste, Pline a
signalé lui-même , sans se prononcer, cette diversité de
goût : Hic dune, alibi peclore tantum laudalis. Quoi qu'il en
soit, on ne connaissait pas notre mesquinerie, qui sert les
volailles en entier, sans s'inquiéter si les invités désirent
l'aile ou la cuisse. Les Romains ne découpaient que le mor-
ceau réclamé par le goût de chacun et le reste s'abandon-
nait. Voilà une prodigalité de bon genre que je recommande
au luxe contemporain. Le seul oiseau que les lois de la mode
permissent de manger en entier était le becfigue. Aulu-Gelle,
homme d'esprit et qui, sans se montrer bien sévère, résis-
tait cependant à l'envahissement du luxe, surtout de ce luxe
abrutissant, soumis sans appel aux caprices de la mode et
de la vanité, s'écrie , après avoir raconté ces faits, que je
lui emprunte : « Voila donc ce qu'on nomme la fleur de l'é-
légance dans un repas ! La somptuosité et la niaiserie sont
mises à la place d'une conversation aimable et spirituelle. »
— Senec. ep. 78. — Aul. Gell. xv. 8. — Hor. sat. ir. 8,
91. — Mart. m. 82. — Plin. x. 71. —
L'oie avait sauvé le Capitole, et sa vigilance fut honorée
dans des fêtes publiques, tandis qu'on pendait des chiens Ã
un .tronc fourchu de sureau. Mais la gourmandise, plus forte
que la reconnaissance, condamna la malheureuse bête Ã
devenir victime du luxe de la table. En vain on lui reconnais-
sait des qualités bien étonnantes pour nous, qui en avons
fait le type de la stupidité : des observateurs citaient certai-
nes oies susceptibles d'amour et d'autres dont l'instinct sem-
blait apprécier la philosophie, potest et sapienliœ intelleclus
his esse. • • Plin. x. 26. — Une oie se fit la compagne cons-
—
tante du philosophe Lacydès, et ne le quitta ni le jour ni la