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390              DE LA DÉCADENCE ROMAINE.
— Quels artistes ne fallait-il pas pour de tels hommes ? Il
n'est donc pas extraordinaire, comme Pline nous l'apprend,
qu'un cuisinier coûtât autant que la dépense d'un triomphe.
La science nécessaire pour satisfaire le raffinement des Api-
cius devait être chose extrêmement rare. Apicius, nom
prédestiné ! on compte trois célèbres gourmands qui l'ont
porté. Le premier vivait sous Sylla, le second sous Auguste
et Tibère, le troisième sous Trajan. Il existe au nom de Ceelius
Apicius un traité sur la cuisine ; mais les critiques ne pen-
sent pas qu'il soit de l'un des Apicius. Le plus illustre de
ces trois maîtres gourmands, proceres gulœ, fut le second,
aUissimus gurges C'est de lui que parlent Sénèque , Pline,
Juvénal et Martial. Il était possesseur d'une immense for-
tune, qu'il dépensa en orgies gastronomiques. Voulant cepen-
dant un jour mettre ordre a ses affaires, il entreprit de faire
son compte. Voyant qu'il ne lui restait que dix millions de
sesterces — plus de deux millions de francs, —• il eut peur
d'en être réduit à mourir de faim , et il prévint cette triste
destinée en s'empoisonnant. Ce dernier acte de gourmandise
fut certainement le plus merveilleux que ce désespéré ait
jamais accompli. — Biogr. univ. — Senec. ad Helv. x. 11.
— Plin. ix. 30. —x. 68. — Juvén. iv, 23. — Mart. m. 22.
   On doit penser combien cet amour idolâtrique des jouis-
sances de l'estomac dut encourager les inventions gastro-
nomiques. La pisciculture était inconnue ; mais l'art des
viviers obtenait des résultats merveilleux, et Védius Pollion
pour nourrir ses murènes , ne reculait pas devant le crime
de leur donner ses propres esclaves en pâture. On savait
engraisser toute espèce de bêtes, et jusqu'aux escargots.
Le bifteek d'ours n'était point un mensonge, et l'âne se
changeait en un morceau succulent. Si le sucre se soup-
çonnait a peine, le miel formait la base d'une multitude de
 préparations, connues sous le nom de dulciaria, Leslégu-