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LA BÉNÉDICTION PAPALE A ROME. 335 ciselés et dorés de sa voûte ont été enlevés. La pluie, de- puis dix-huit siècles, descendant par l'ouverture supérieure a fini par déchausser le marbre de l'arca. Sans l'âme du grand siècle qui a vu naître ce bel édifice, sans les tombes de Raphaël et de la brillante pléiade de ses rivaux et de ses amis, qui l'entourent comme aux jours de sa vie, sans la vénération attachée aux cendres des martyrs, sans cet imposant passé de dix-huit siècles, le Panthéon n'inspirerait de l'intérêt qu'à l'architecte intelligent, qui cherche dans les monuments du passé les enseignements de son art et le charme de ses loisirs. Laissons pour un instant tant de nobles souvenirs, des- cendons de cet olympe pour aller rendre une petite visite au signor Antonio Lèpre , restaurateur romain. L'admiration n'a jamais escamoté l'appétit, et je suis bien sûr que si le grand Montesquieu refaisait la grandeur et la décadence de l'Empire Romain, il se serait posé la question suivante : Quelle différence existait- il entre le menu du simple mais indomptable Cincinnatus et celui du voluptueux Vitellius ? et sur cela il aurait trouvé une mine inépuisable de vérités neuves et irréfutables. Comme Carême, je crois que l'état de l'art culinaire d'un peuple indique sa prospérité ou sa dé- cadence. Le restaurant du sérénissime signor Antonio Lèpre vient parfaitement a l'appui de cette maxime qui pourra pa- raître hardie mais qui n'est que juste dans la modeste sphère du rang qu'on lui a donné. Quoi qu'il en soit, ô Antonio, tant que je vivrai, je te verrai toujours accourir a nous avec ton costume de cuisinier d'opéra comique et toujours j'entendrai cet éternel dialogue: « Qu'avez-vous, signor Lèpre?—Tout. — Mais encore.'—• Ici le maestro, avec un empressement et une volubilité indescriptibles : — Rifteeks, côtelettes de veau, soupe anglaise, macaroni, poulet rôti, chèvres à la Ma- rengo, etc., etc.