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336 LA BÉNÉDICTION PAPALE A ROME.
— Eh bien servez-nous un bifteek. — Ah signor, quel mal-
heur, il n'y en a pas aujourd'hui. —Alors donnez-nous du
veau. — Nous n'en avons pas davantage. — Qu'avez-vous
donc ? — De tout, signor, de la chèvre, des macaroni, de la
soupe anglaise, mais demain croyez que... — Et dire que
tous les jours c'était mêmes demandes, mêmes réponsesj
mêmes résultats, même résignation. 0 Montesquieu ! pour-
quoi n'as-tu pas, comme nous, dîné chez l'incomparable
Antonio Lèpre?
Après dîner, je ne connais rien de mieux, même a Rome,
que de fumer un cigare et de prendre une tasse de café ;
ce mot chez les Romains s'écrit par deux f mais l'a seulement
ne gît pas la seule différence ; quand vous entrez dans un
estaminet, on vous demande imperturbablement : « Che vo-
leté? — Un caffe nero, répondez-vous, si vous voulez sucrer
avec des morceaux de sucre entier et payer cinque baiochi.
Si vous répondez; mezzo caffe, on vous apporte du plâtre ou
de la poussière de marbre légèrement sucrée, et vous dé-
posez sur la table deux baioches. — J'ai toujours été étonné
que l'on n'eût pas posé une question plus simple et plus claire:
« Voulez-vous ou ne voulez-vous pas courir une ou deux
chances de plus d'être ou de n'être pas empoisonné ? Et tout
eut été dit. Le mezzo caffe disparaîtrait de la carte de
l'estaminet romain. Le théâtre qui, dans quelques circons-
tances, peut être une distraction a Rome, à l'époque du moins
où nous y séjournâmes, fut presqu'impossible. Nous pûmes
cependant assister au théâtre à une pièce traduite de Scribe et
intitulée Pauline. Tout le monde causait, acteurs et specta-
teurs, sans oublier le souffleur qui lisait la pièce d'un ton
plus élevé encore. Les scènes comiques étaient rendues par
d'atroces grimaces, toujours les mêmes ; les scènes pas-
sionnées avec une violence hors nature, sans ajouter que
dans l'opéra du Trovaiore, j'ai vu des morts ressusciter, des