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272 ARCHÉOLOGIE. côté, il resterait encore quelque apparence à l'explication de M. Delorme, si l'inscription eût figuré autre part que sur un édifice public ; mais comme le monument viennois dont il s'agit, temple, prétoire, église, n'a jamais été la propriété d'un parti- culier, elle porte complètement à faux. L'inscription, là où elle fut placée à une époque de naïve croyance, ne peut être que l'ex- pression d'un sentiment populaire applaudissant au triomphe du Christ dans l'enceinte même où avait siégé le premier de ses persécuteurs. Il est aujourd'hui généralement admis, et les savantes re- cherches de M. Delorme ont levé tous les doutes à cet égard, que l'ancienne église de Notre-Dame-de-la-Vie est un temple élevé en l'honneur d'Auguste et de Livic, sous le règne de l'em- pereur Claude ou quelques années plus tard. Mais, en 1841, la tradition qui faisait un prétoire de cet édifice trouvait encore à Vienne des défenseurs obstinés. Il est probable que M. De- lorme craignit de leur fournir des armes en convenant que cette tradition remontait jusqu'à Pilate, c'est-à -dire jusqu'au premier siècle de notre ère, et la peur d'un mal le jeta dans un pire. Ces craintes, dans tous les cas, n'étaient pas fondées; la légende qui relègue à Vienne l'ancien procurateur de la Judée, ne date que d'une époque obscure du moyen âge, et ne peut en conséquence avoir aucune influence sur l'histoire archéologique du monument romain. Saint Adon, qui l'a mise au jour, a terminé sa Chronique en 869, et il n'en est question nulle part avant lui. Eusèbe et Paul Orose avaient raconté lafinmisérable de Pilate sans indiquer le lieu où elle était arrivée (I). Grégoire de Tours, si curieux des tradi- tions locales, n'a fait que répéter les paroles de ces deux histo- riens et l'on doit inférer de son silence que la légende recueillie par l'Archevêque de Vienne n'existait pas ou du moins n'avait encore aucune consistance à la fin du VIe siècle (2). Elle s'est produite durant les deux autres siècles qui ont-précédé son ar- (1) Euscbii historiœ ccclesiaslicœ , lib. n, cap. 7. — Pauli Orosii Ilisto- îiarum, lib. vu, cap. v. (2) Gregorii Turoncnsis historia: ccclesiastica' Francorum , lib. 1, cap. xx et xxm.