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248 LA DAME D'URFÉ. partout il était craint et chéri. Un jour il entra dans le parloir ses domaines ; où la châtelaine filait, son fils assis à ses pieds. — Douce amie, dit-il, ne viendrez-vous point cette année à notre château de la Bâtie ? — Non, Messire, s'il vous plaît, je resterai au château d'Urfé. — Voici l'automne, et les chasses vont commencer ; vous ne me laisserez pas aller seul ? — Vous avez vos compagnons, Messire. — Assez longtemps nous avons été privés de votre présence. Depuis bien des semaines je suis absent, et, maintenant que je vais descendre dans la plaine, faudrait-il donc encore être privé du bonheur de vous voir? — C'est un bonheur dont vous vous passez facilement, je crois, Messire ; au reste, je suis tellement flattée d'être une fois néces- saire à vos plaisirs que je me ferai un devoir de vous suivre. — Vous viendrez? — Oui, Messire. — Avec joie ? —Vous m'étonnez, Messire; pourquoi cette insistance ? Depuis quand n'est-ce plus un plaisir pour votre épouse d'être e m - pressée à vos ordres et à vos désirs ? Isambert lui tendit la main. — Noble dame, dit la nourrice quand Isambert fut sorti, on dirait que mon seigneur va redevenir ce qu'il était dans la Souabe, alors qu'il était si gentil cavalier. La dame d'Urfé devint rêveuse. — Pourquoi ce retour de tendresse de mon époux, se dit-elle? il y a là quelque chose que je ne comprends pas. Deux jours après, des cavaliers descendus des montagnes oc- cidentales du Forez traversaient au petit pas la vaste plaine qui se déroulait devant eux. A leur aspect, les serfs quittaient leurs travaux, s'approchaient du chemin et saluaient avec joie ; les enfants accouraient se mettre entre les jambes des chevaux, les femmes venaient aux fenêtres de leurs cabanes ; le chef de cette troupe rendait les saluts avec courtoisie, et la jeune dame qui chevauchait à ses côtés souriait avec bonté. Quand ils furent