page suivante »
LA DAME D'URFÉ. 247 tagnes de la Forêt-Noire et les beaux chevaliers qui vous y fai- saient la cour. — Ne rappelle pas ces souvenirs. Je suis l'épouse d'Isambert, je l'aime et je lui ai voué mon existence ; c'est pour le suivre que j'ai quitté ma famille, c'est pour assurer mon honneur et son repos que j'ai sacrifié mes enfants : s'il fallait faire plus encore, je le ferais. Pendant ce temps Isambert pleurait : son âme sensible se révoltait. — Quelle femme j'ai épousée ! se disait-il. Le ciel m'éprouve rudement ; cherchons à tirer le meilleur parti des circonstances et affectons la gaité. Les chasseurs ne revinrent que bien avant dans la nuit. Isam- bert se mêla à leurs jeux ; on aurait dit qu'il cherchait à s'étourdir d'une lourde pensée, et que le bonheur d'être père l'effrayait. Sa joie étonnait les convives, mais les jours suivants il redevint calme, et s'il fut toujours un ardent chasseur, à table il n'était plus un joyeux compagnon comme par le passé. Le printemps ramena la famille au château d'Urfé. Là , Isambert s'occupa de ses vassaux, de ses domaines, et son influence grandit dans la comté. Souvent il se rendait à Montbrison où le comte de Forez ne faisait plus rien d'important sans le consulter; les années suivantes on guerroya, et Isambert se montra che- valier vaillant comme il avait été conseiller habile. Hirmantride avait fini par ne plus aller au château de la Bâtie. Cette résidence lui déplaisait. Elle préférait les belles montagnes du château d'Urfé et les grands bois qui l'entouraient, et, mal- gré les invitations les plus pressantes de la cour forézienne, malgré sa jeunesse et sa beauté, jamais on ne la voyait dans les fêtes et les plaisirs ; sa vie s'écoulait doucement dans la solitude, tout occupée des soins qu'elle donnait à son fils. LA VENGEANCE. Six ans se passèrent ainsi, Isambert chassait, portait la guerre chez ses ennemis, protégeait ses alliés et maintenait la paix dans