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178 LÉGENDE INDIENNE Nous avons surtout signalé l'austère morale, le haut spiritua- lisme, la sensibilité profonde qui distinguent la littérature indienne prise à sa source, dans ses premiers élans. Poésie lyrique, hé- roïque, didactique, tout respire le même caractère; et, si l'ima- gination exaltée à la vue d'une nature puissante, personnifie ses phénomènes en divinités fantastiques, ou s'égare, par abstraction outrée, dans la voie dangereuse du panthéisme, l'idée fonda- mentale d'un Créateur suprême, de la valeur de l'âme, de la sainteté du devoir, de la responsabilité finale, persiste à travers tous les mythes et épure toutes les aspirations. Ce caractère ressort déjà des Védas, malgré, leur apparent naturalisme ; car si ces hymnes des pâtres ariens, qui des cimes de l'Himalaya descendirent anciennement vers les rives de l'Indus, s'adressent, dans leur rudesse naïve , aux astres et aux éléments, dont l'influence favorable ou hostile décidait de la vie de chaque jour pendant les phases accidentées de leur mi- gration séculaire ; si les génies du soleil et de la lune , du feu et de l'eau, de l'air et de la terre, se groupent dans leurs prières autour d'Indras, l'éther, qui domine tous ces dieux mais sans les effacer, la pensée d'une essence suprême et la croyance à l'immortalité, indiquées dans les premiers livres par de vagues et timides allusions, se formulent nettement dans les derniers , où ces dogmes consolants sont exprimés avec une admirable poésie (1). Le début et la fin du Mânava-çâstra, code religieux des mêmes tribus, constituées sur les rives du Gange en états réguliers et prospères, proclament par ces nobles paroles la puissance infinie du Créateur des mondes : « Cet univers n'était que ténèbres, ineréé, informe, invisible, inconnu, et comme plongé dans un profond sommeil. Alors le Dieu existant par lui-même, impénétrable et pénétrant toutes choses , réunissant les éléments vitaux , dissipa soudain les ténèbres. L'Être spirituel, infini, incompréhensible, éternel, (1) Voir le Rig-Véda, livre VIII, commenté par M. Barthélémy St-Hilaire (Journal des Savants, 1853), et le Rig-Véda, livre X, par M. Max Muller (Berlin, 1855).