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LE VENDREDI-SAINT. 69 que des millions de squelettes gardent du fond de leurs niches horizontales, involontairement je me sentais petit, misérable. A l'exemple du prophète, il me semblait aussi que je descen- dais vivant dans les abîmes du néant et de l'oubli, si grande était l'obscurité, si profond était le silence qu'inter- rompait le bruit seul de nos pas. Ici, sur une pierre , un fossoyeur grossièrement sculpté est armé d'une lanterne et d'une pioche. Au-dessus de sa tête on lit encore cette inscription : DIOGENES FOSSOR IN PACE DEPOSITUS OCTAVO KALENDAS OCTOBR1S C'était la première fois peut-être qu'un deshérité de la for- tune et de la renommée prenait son rang au milieu de cette terrible égalité de la mort. Le Christ en mourant sur la croix avait fait, de ce vil esclave sans nom, un patricien qui récla- mait pour l'éternité sa place après de longs et obscurs la- beurs. * Tout a côté , sur un revêtement de briques ajoutées les unes à côté des autres, une colombe, gravée avec un poinçon, emporte dans son bec une branche d'olivier. A ce doux symbole d'innocence et de paix, a l'exiguïté de l'ouverture encore scellée, je compris que l'âme d'un enfant avait dû prendre de ce lieu son essor vers le ciel. Un peu plus loin nous lûmes , dans la langue consacrée par le catholicisme , les inscriptions suivantes dont voici la traduction : LAURINE PLUS DOUCE QUE LE MIEL REPOSE EN PAIX. TU ES TOMBÉE TROP TOT CONSTANTIA ADMIRABLE DE GRACE. LAQUELLE A VÉCU XVHl ANS VI MOIS XVI JOURS,