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AU XVIIIe SIÈCLE. 25 l'homme dont il a fait son Dieu. La gloire de l'art, celle de la poésie et du style, ne sont pas les seules gloires de l'intelligence ; quand le XVIIIe siècle , qui n'a été ni artiste, ni poète , ne serait pas non plus un philosophe comme il a cru l'être , il lui resterait encore d'autres prétentions légi- times. Sans juger son action politique et religieuse, sans lui faire un mérite ou un crime de son esprit de réforme et de propagande, en ne l'appréciant qu'au point de vue purement intellectuel, reconnaissons en lui l'auteur d'une des grandes créations modernes. Le dernier siècle , et c'est là sa seule originalité , a créé la langue , le style et l'esprit scientifique. Non pas qu'il ail découvert la méthode scientifique ou créé des sciences tout a fait nouvelles, comme on l'en glorifie quelquefois ; il a formé , du moins, non seulement le vocabulaire de telle ou telle science en particulier, par exemple, de la chimie, mais une langue courante, un style merveilleusement propre aux expositions scientifiques et a la vulgarisation de toutes les idées. Pour donner à la langue et au style cette aptitude aux sciences physiques , à la géométrie , a la consignation et à l'explication exacte de tous les faits matériels , à l'enseigne- ment des théories abstraites et générales, il fallait la dé- pouiller, autant que possible, de tout autre élément que les éléments logiques et la clarté ; il fallait lui ôter tout coloris qui aurait pu modifier sa transparence de cristal , toute sonorité trop vive, tout ce qui vient de l'imagination et tout ce qui s'adresse à elle. A cette langue , qui devait être un instrument si admirable pour les opérations logiques et l'in- telligence pure, il ne fallait que des qualités abstraites , des qualités générales , communes a tous les esprits. Le raison- nement seul est universel ; l'imagination , le caractère sont